Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me faut un autre témoignage pour y croire que les assertions d’un journal.

Après tout, mon oncle Ro se trompe quelquefois, quoique la vérité me force de dire que très-souvent il a raison.


CHAPITRE VIII.


Je te vois encore ;
La mémoire, fidèle à sa mission,
Te rappelle de la tombe dans toute ta beauté ;
Tu parais dans la lumière du matin ;
Tu es auprès de moi dans la nuit obscure,
Dans mes songes je te rencontre comme autrefois :
Alors tes beaux bras entourent mon cou,
Et ta douce voix murmure à mon oreille ;
Dans tous mes sens la mémoire se réveille.
Je te vois encore.

Sprague.


À dix heures du matin, le jour suivant, nous étions, mon oncle Ro et moi, en vue de la vieille maison de Ravensnest. Je l’appelle vieille, car une habitation qui est restée debout plus d’un demi-siècle, prend, en Amérique, un aspect d’une teinte vénérable. Pour moi elle était vraiment vieille, car elle était là depuis un temps double de mon existence, et se trouvait associée à mes premières pensées. Depuis mon enfance, j’avais regardé ces murs comme mon futur domicile, comme ils avaient été celui de mes parents et grands-parents. Toutes les terres qui s’étendaient devant nous, les riches vallées couvertes d’herbes ondulantes, les collines, les bois, les montagnes éloignées, les vergers, les fermes, les granges, et tous les autres accessoires de la vie rurale qui appartenaient au sol, étaient ma propriété et l’étaient devenus sans un seul acte d’injustice envers un être humain. L’Homme Rouge lui-même en avait reçu le prix de Herman Mordaunt ; et Susquesus, la Peau-Rouge de Ravensnest, comme on appelait souvent le vieil Onondago, convenait du fait. Il était donc naturel que je fusse attaché à un domaine ainsi situé et ainsi transmis. Aucun homme civilisé, aucun homme même, sauvage ou non, n’avait été le propriétaire de ces beaux terrains, excepté des hommes de ma race. C’est là une chose que peu d’hommes