Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/104

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les chiffons de voiles que portait l’autre schooner pendaient le long des mâts. D’abord nos marins crurent que la houle de la mer, en élevant, toujours le vaisseau, le maintenait dans un certain calme ; mais le changement qui venait de se produire pour eux était trop évident pour permettre aucune méprise. Le vent souffla une minute encore avec fureur, puis il y eut un autre calme. Gardiner s’élança du côté de la sonde pour juger de l’effet à l’égard de son propre vaisseau. Le schooner ne traînait plus son ancre.

— Dieu est avec nous ! s’écria le jeune capitaine, que son saint nom soit à jamais béni !

— Et celui de son Fils ! répondit une voix.

— Malgré l’émotion du moment, Roswell Gardiner se retourna pour voir d’où ces mots étaient partis. Ils avaient été prononcés par Stimson, le plus vieux des matelots qui se trouvaient à bord. La ferveur avec laquelle il s’était exprimé produisit plus d’effet sur le jeune capitaine que les paroles mêmes ; il y avait en effet, dans cette ferveur, quelque chose de plus extraordinaire de la part d’un matelot que dans les paroles dont il s’était servi. Plus tard, Gardiner n’oublia point cet incident, qui ne fut pas sans résultat.

— Je crois, Monsieur, s’écria Hasard, que le vent a tourné. Il arrive souvent, même sur nos côtés, que les vents du sud-est deviennent tout à coup des vents du nord-est. J’espère que ce ne sera pas trop tard pour sauver le schooner du Vineyard, quoiqu’il glisse vers les brisants avec une effroyable rapidité.

— Voyez sa voile de misaine ! Voilà un autre calme, reprit Gardiner. Je vous dis, monsieur Hasard, que nous aurons un changement de vent qui peut seul nous sauver de ces brisants.

— Ce changement n’arrivera que par la miséricorde du Dieu tout-puissant et de son Fils, ajouta Stimson avec la même ferveur, quoiqu’il parlât très-bas.

Roswell éprouva la même surprise qu’il avait déjà ressentie ; et il oublia quelques instants la tempête. Le vent cessait, quoique le mouvement des vagues menaçât encore l’autre schooner, l’entraînant vers les brisants, mais avec moins de rapidité.

— Pourquoi ne jette-il point d’ancre ? s’écria Gardiner dans son anxiété pour l’autre vaisseau, car il ne craignait plus rien