Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/127

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La baleine, que Roswell poursuivait continua de nager au vent pendant deux heures, de sorte que l’équipage avait entièrement perdu de vue les autres chaloupes, et qu’il n’apercevait plus les voiles des schooners qu’au niveau de la mer. Heureusement, l’heure n’était pas fort avancée, et le jour ne baissait pas encore le taureau de mer ne semblait pas très-alarmé, quoique la chaloupe parût si près de lui.

Avant de jeter le harpon, on avait eu soin surtout de ne point faire de bruit ; mais dès que l’équipage fut en présence du monstre marin, les murmures se transformèrent en appels à haute voix, et les ordres furent plutôt des cris que les commandements d’usage. Le plus vif enthousiasme s’alliait étrangement chez les hommes d’équipage à une froide dextérité ; mais il était évident qu’une ardeur fiévreuse les dévorait. Gardiner était l’homme de la chaloupe qui conservait le mieux son sang-froid, comme cela convenait à sa position et à sa responsabilité.

Stimson, le marin le plus âgé et le meilleur du schooner, celui qui avait donné des avertissements à son capitaine sur la reconnaissance due à la Divinité, remplissait les fonctions de maître timonier, après avoir d’abord rempli celles de harponneur. C’est à lui que Gardiner adressait maintenant ses observations, après avoir suivi cette baleine pendant deux heures.

Ce gaillard, dit le capitaine en parlant du monstre marin, va sans doute nous traîner longtemps, – et il se balançait la lance à la main sur la chaloupe ; – je lui porterais un coup, si je ne me méfiais pas de sa queue. Je suppose qu’il nous sait là.

— Sans doute, sans doute, capitaine Gar’ner. Il vaut toujours mieux être modéré et attendre votre moment, Monsieur. Il y a dans la queue du gaillard un certain mouvement qui ne me plaît pas, et il vaudrait mieux savoir où il en est avant de l’attirer plus près de nous. Ne voyez-vous pas, Monsieur, que ce taureau de mer à chaque instant frappe les eaux de sa queue, au lieu de nager, avec l’aisance qui convient à une baleine ?

— Voilà précisément ce dont je me défie, Stephen, et j’attendrai un peu pour voir à qui il en a.

— J’espère que ceux que nous avons laissés à bord des schoo-