Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/13

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partout ailleurs entre les amis et les parents, sont ici tout à fait inconnues, chaque service ayant son prix.

Il y a cependant, à côté de ces habitudes, des qualités qui en adoucissent l’âpreté et dont nous pourrons avoir plus tard l’occasion de parler.

Marie soupçonnait peu la vérité, mais l’habitude, l’avarice, le vague espoir que la jeune fille pourrait contracter un riche mariage, qui lui permettrait un jour de réclamer ses avances, avaient déterminé le diacre à ne pas dépenser un cent pour son éducation, son entretien ou ses plaisirs, sans le porter à son débit dans le grand-livre, qu’il tenait avec une régularité invariable. Quant aux sentiments de dignité personnelle qui n’auraient pas permis à un homme comme il faut d’agir ainsi, le diacre Pratt y était complètement étranger. Au moment où commence cette histoire, le compte secret de l’oncle pour son affectionnée nièce montait, en frais d’éducation, d’entretien, de logement, de nourriture et d’argent de poche, à la somme considérable de mille dollars, qui avait été dûment dépensée. Le diacre était d’une avarice basse et sordide, mais il était honnête. Dans le compte, il n’y avait pas un cent de trop ; et à dire vrai, M. Pratt avait un si grand faible pour Marie, que la plupart des articles dont il voulait pouvoir réclamer le paiement étaient cotés à un taux très-raisonnable.


CHAPITRE II.


Morbleu ! j’ai vu votre nièce accorder plus de faveurs au serviteur du comte, qu’elle ne m’en a jamais accordé à moi ; je l’ai vue dans le verger.
Shakespeare. Le Jour des Rois.



Le dimanche dont il est question, M. Pratt se rendit au meeting de sa paroisse, comme à l’ordinaire ; mais au lieu de rester à l’église pour entendre le sermon que l’on prêchait dans l’après-midi, il remonta en voiture et retourna chez lui.