moins naturel : Roswell Gardiner n’obtenait-il pas de l’avancement ? Mais, aux yeux de Marie Pratt dont la foi était vive et ardente dans le Rédempteur du monde, un nuage épais couvrait toute cette gloire, et s’élevait entre elle et Gardiner : il était incrédule, et ne reconnaissait pas la divinité de celui qu’adorait Marie. Il voyait dans le Christ un grand philosophe, et non pas un Dieu.
Loin de nous l’idée de vouloir faire de la polémique religieuse ; mais, hélas ! nous nous bornons à signaler ici un genre d’incrédulité qui se répand de plus en plus en Amérique, et qui affiche ouvertement la prétention de former une secte au milieu de nous. Depuis deux ans, Marie Pratt refusait sa main à Gardiner, quoiqu’elle l’aimât, et que pour résister à la passion aussi vive que sincère du jeune marin, elle eût à lutter contre son propre cœur, où l’amour si dévoué d’une femme était combattu par un sentiment, profond du devoir religieux.
Cependant Marie se réjouissait de voir Gardiner promu au commandement du Lion de Mer. Elle ignorait vers quelle plage le petit vaisseau, schooner d’environ cent-quarante tonneaux, devait faire voile ; mais quelle qu’en fût la destination, elle l’accompagnerait de ses pensées et de ses prières. Voilà ce qu’éprouvait Marie, et ce qu’elle se disait en secret. Voilà les moyens d’influence d’une femme ; et qui osera dire qu’ils sont sans résultat, qu’ils sont inutiles ?
Pour nous, nous les croyons les plus efficaces ; heureux l’homme qui, au milieu des embarras et des périls de ce monde, marche accompagné des douces prières d’une âme pure qui ne s’élève jamais jusqu’au trône de Dieu sans penser à celui qui est absent !
M. Pratt lui-même n’était pas contraire à l’union des deux jeunes gens, et quelques-uns à Oyster-Pond pensaient que le diacre avait foi dans l’avenir de Gardiner, auquel il donnerait, après lui, et ses biens et sa nièce.
D’autres prétendaient qu’il songeait à se débarrasser de l’orpheline pour laisser toute sa fortune à l’église, dont il était membre et dignitaire. Tel était l’état des choses quand M. Pratt revint du meeting presbytérien, comme nous l’avons dit au com-