voile triangulaire d’arrière. Dans ce moment les deux schooners étaient sous leurs focs et leurs misaines ; sous le petit hunier et la grand’voile avec deux ris. Ce n’était pas une voilure très-favorable pour virer lof pour lof, car il y avait trop de voile derrière ; mais on manœuvra soigneusement, et les deux navires firent rondement leurs abattées au milieu d’une immense vague : un instant après, l’on entendit la glace qui venait se heurter contre les flancs des vaisseaux.
Il n’était pas possible de reprendre sur l’autre amure avant que les schooners fussent entourés de glaces, et, apercevant une passe quelque peu ouverte à une courte distance, Dagget s’avança hardiment, suivi de près par Roswell. En dix minutes, ils se trouvèrent un mille de là, au milieu de la plaine de glace, ce qui rendait presque désespérés tous les efforts qu’on aurait faits pour se diriger au vent. Dagget entreprit cette manœuvre dans des circonstances qui n’en permettaient pas d’autre, quoique ce ne fût pas peut-être le meilleur expédient auquel on dût recourir. Maintenant que les schooners avaient pénétré aussi loin dans la plaine de glace, l’eau était beaucoup moins chargée de glaçons, quoique les ondulations de l’Océan fussent encore très-violentes et que le choc des glaces qui en résultait eût quelque chose de vraiment terrible. Le bruit qu’il produisait était si fort qu’on pouvait à peine entendre le mugissement des vents, et cela par intervalles. C’était un son qui ressemblait à celui d’une avalanche perpétuelle, accompagné de bruits qui étaient analogues au craquement d’un glacier.
Les schooners carguèrent leurs voiles dans le double but de ralentir leur marche et d’être mieux à même d’en changer pour éviter les dangers qu’on pouvait rencontrer. Ces changements étaient fréquents, mais à force de hardiesse, de persévérance et d’habileté, Dagget parvint à traverser la passe déjà indiquée.
C’était une espèce de canal au milieu des glaces, formé par quelques-uns de ces courants dont on ne peut se rendre compte, ayant un quart de mille de largeur, et d’une si grande étendue qu’on ne peut en apprécier la longueur au clair de la lune. Ce canal conduisait cependant du côté des montagnes