des morceaux de glaces qui s’entre-choquaient, et l’on acquérait ainsi la preuve évidente de dangers qui n’étaient pas encore éloignés.
Comme la mer était suffisamment libre, que le vent, excepté à l’ouverture de certains ravins, était léger, il n’y avait rien qui empêchât les schooners de s’approcher l’un de l’autre. Ce qui fut fait, et les deux capitaines tinrent conseil sur la situation présente.
— Vous êtes un hardi gaillard, Dagget, dit Roswell, et je n’aimerais pas vous suivre dans un voyage autour du monde ; nous voilà au milieu de quelques centaines de montagnes de glace, grand spectacle à contempler, je l’avoue, mais comment en sortirons-nous jamais ?
— Il vaut beaucoup mieux être ici, Gar’ner, reprit l’autre, qu’au milieu des fragments de glace.
— Il y a quelque chose de vrai là-dedans ; mais je voudrais que ces canaux fussent beaucoup, plus larges qu’ils ne le sont. On peut sentir le poids d’une de ces montagnes aussi bien que la contempler. Si deux d’entre elles se mettaient en tête de se rejoindre au-dessus de nous, nos petits vaisseaux seraient brisés comme des noix dans un casse-noix.
— Il faut y prendre garde. Voilà une passe qui paraît assez longue, et qui mène au nord aussi loin que nous pouvons le désirer. S’il nous était possible d’y pénétrer jusqu’au bout, notre retour en Amérique me paraît assuré.
Le citoyen des États-Unis appelle son pays l’Amérique par excellence, n’ajoutant jamais la qualification du Nord, comme la plupart des peuples européens. Par ce mot Amérique, Dagget voulait dire la côte orientale de Long-Island, l’île de Gardiner, et le Vineyard. Roswell le comprit parfaitement.
— Suivant moi, répondit Gardiner, nous ne sortirons pas de cette glace avant d’avoir fait un millier de milles. Non pas que je m’attende à me trouver toujours dans un désert de glaces, comme en ce moment ; mais après un été comme celui que nous venons de traverser, nous pouvons y compter, Dagget, la glace