compagnon Stimson. Ici elle ne paraît pas avoir cent mètres de largeur.
— C’est comme vous le dites, Monsieur. Ouf ! quand on court dans un climat aussi froid, on est bientôt essoufflé. Mais, capitaine Gar’ner, ce schooner sera coupé en deux avant que nous puissions y arriver. Voyez, Monsieur, la plaine de glace atteint déjà les rochers, tout près du vaisseau, et ce mouvement de la glace ne s’arrête pas.
Roswell ne fit point de réponse. La situation du Lion du Vineyard lui paraissait beaucoup plus critique qu’il ne l’avait cru d’abord. Avant de s’être plus rapproché de la terre, il ne s’était formé aucune idée de la puissance avec laquelle la plaine de glace venait se heurter contre les rochers, sur lesquels on voyait grimper des morceaux de glace rompue comme des créatures douées de l’existence.
Quelquefois la rupture des glaces se faisait entendre avec fracas, et le mouvement de la plaine de glace devenait plus rapide ; puis il y avait un moment d’arrêt, et l’on entrevoyait une lueur d’espoir mais il fallut bientôt renoncer à toute illusion.
— Voyez-vous, Monsieur, s’écria Stimson, le schooner du Vineyard vient de franchir, d’un seul coup, une distance de vingt toises. Il doit être terriblement près des rochers !
Tous les hommes s’arrêtèrent. Ils sentaient leur impuissance, et l’anxiété à laquelle ils étaient en proie les rendait immobiles. Chacun retenait sa respiration. Les hommes de l’équipage de Roswell voyaient que le schooner du Vineyard, que se trouvait à moins d’un câble de distance, était près des rochers, et que le premier choc qu’il aurait à supporter suffirait pour l’engloutir. À leur étonnement, le schooner, au lieu d’être brisé par la glace, se releva avec un mouvement qui n’était pas sans grandeur, soutenu par les morceaux de glace rompue qui s’étaient entassés sous le vaisseau, et arriva presque sans avaries sur le banc de rochers. Pas un de ses hommes d’équipage ne lui manquait. Mais il était là, jeté sur le rivage, à quelque vingt pieds de la surface de la mer, sur les rochers dont l’action des vagues avait nivelé les aspérités. Si la saison avait été favorable, et si l’avarie s’était