plus vive appréhension de ne pouvoir se dégager de cette chaîne de glaces avant le retour de l’été. Il est vrai qu’un vent du sud pouvait produire quelque changement et faire lever ce blocus de glace, mais cela devenait à chaque instant de plus en plus improbable. L’hiver commençait déjà, et si la glace se formait au milieu du groupe d’îles et en dehors de ce groupe, il fallait, pendant huit mois, renoncer à tout espoir.
Stimson donna d’excellents conseils aux deux capitaines pour lutter contre les rigueurs du froid, qui naturellement ne pouvait qu’augmenter. Transporter les voiles du navire naufragé et en faire des rideaux grossiers dans la maison de bois, seul refuge qui s’offrît à nos marins ; se servir de peaux de veaux marins qui appartenaient à Dagget pour tapisser intérieurement les murs de cette maison ; ménager la provision de bois qu’on avait apportée, se borner autant qu’on le pourrait à un seul feu, être d’une excessive propreté, ce qui est un excellent moyen de lutter contre le froid ; prendre des bains presque glacés, et à cet effet, on tira l’eau de la glace même à l’entrée de la maison, et un tonneau servit à ces bains pris sous une tente qu’on y avait dressée ; recourir fréquemment à l’exercice pour conserver la chaleur naturelle qui est si indispensable, voilà à peu près le résumé des avis de Stimson, que les deux capitaines mirent en pratique et firent pratiquer par les deux équipages.
Telle était donc la situation de nos marins. Gardiner avait réussi à mettre son schooner en sûreté près du rivage, et l’on tirait du navire naufragé de Dagget toutes les provisions, toutes les ressources qu’il pouvait offrir.
Deux mois s’écoulèrent ainsi rapidement. On avait pris toutes les précautions possibles, et la maison, ou plutôt la grande case que les deux équipages habitaient au milieu d’un désert de glace, était loin de manquer de tous les aises qu’il fût possible de se procurer. Les jours avaient beaucoup diminué de longueur, et les nuits avaient augmenté en proportion ; le soleil n’était plus visible qu’un petit nombre d’heures pendant lesquelles il ne faisait que passer très-bas sur l’horizon septentrional. Le froid augmentait, quoique le temps variât presque autant sous cette latitude éle-