vaisseaux qui se trouvaient sur le feu. La glace fondait vite, et l’on pouvait sentir la vapeur du feu. C’est en cet instant qu’une faible voix se fit entendre d’une des couchettes.
— Gar’ner, disait cette voix d’un ton suppliant, si vous ayez quelque pitié d’une créature humaine dans la dernière détresse, donnez-moi une gorgée de café pour me réchauffer ! Ah ! que l’odeur en est agréable, et combien cela doit être bon pour l’estomac ! Il y a trois jours que je n’ai rien pris, pas même de l’eau.
C’était Dagget, le marin si longtemps éprouvé, l’homme aux nerfs de fer, l’homme livré à l’amour de l’or, qui avait depuis si longtemps concentré en lui-même toute l’énergie nécessaire à celui qui est par-dessus tout animé de la passion du gain. Combien il était changé maintenant ! Il ne demandait que les moyens de sauver sa vie, et il ne pensait plus aux peaux, aux huiles et aux trésors des plages désertes.
À peine Roswell fut-il instruit du sort de Dagget, qu’il vint à son secours. Heureusement il y avait du café chaud, aussi chaud que l’estomac humain peut le supporter. On donna à Dagget, deux ou trois gorgées de ce liquide, et le ton de sa voix montra aussitôt l’effet que le café avait produit.
— Je suis bien mal, Gar’ner, reprit le capitaine Dagget, et j’ai peur, que nous tous qui sommes ici, nous nous trouvions dans le même état. J’ai lutté contre le froid aussi longtemps que la nature humaine a pu l’endurer ; mais il m’a fallu céder.
— Combien reste-t-il encore de vos gens, Dagget ? Dites-nous où nous les trouverons.
— J’ai peur, Roswell, qu’ils n’aient plus besoin de rien dans cette vie. Le second officier marinier et deux des matelots étaient assis dans la cabine, lorsque je me suis jeté sur cette couchette, et j’ai peur qu’on ne les trouve morts. Je les ai exhortés à se coucher aussi, mais le sommeil s’était déjà appesanti sur eux, et quand cela arrive, on est bien vite exposé à geler.
— Il y a dans la cabine trois hommes qui n’ont plus besoin de secours, car ils sont tout à fait gelés ; mais il doit y en avoir d’autres encore. J’en vois deux dans les couchettes. Ah ! que dites-vous de ce pauvre garçon, Stimson ?