CHAPITRE XXVI.
a terre ne s’était point arrêtée dans sa course rapide autour
du soleil tandis que tous ces événements avaient lieu dans les
mers antarctiques. L’été était passé, cet été qui aurait dû ramener
les chasseurs de veaux marins, et l’automne était venu glacer
l’espérance aussi bien que le corps. L’hiver n’amena aucun changement.
On n’apprenait rien de Roswell et de ses compagnons
et il aurait fallu en effet un miracle pour qu’on eût de leurs
nouvelles.
Marie Pratt ne faisait plus mention de Roswell dans ses prières. Elle le croyait mort, et sa foi puritaine lui enseignait à ne point prier pour ceux qui ne sont plus. Quoique nous n’approuvions pas qu’on fasse abus du purgatoire[1] nous désirons sincèrement que des prières de cette nature aient auprès de Dieu toute l’efficacité que leur attribue une grande partie des chrétiens. Mais Marie Pratt, quoiqu’elle fût bien meilleure que nous sous tous les rapports, était moins libérale à l’égard d’un point aussi important. Jamais le nom de Roswell n’était sur ses lèvres lorsqu’elle priait, quoiqu’une minute à peine se passât sans que l’image de Roswell fût présente à son imagination. Il vivait encore dans son cœur, sanctuaire dont elle ne cherchait pas à l’exiler.
Quant au diacre, la vieillesse, la maladie et l’anxiété d’esprit l’avaient miné. Les passions dont il avait été possédé lorsqu’il jouissait de la santé, s’étaient retournées contre lui, et attaquaient en lui le principe vital comme des oiseaux de proie. Il est plus que probable qu’il aurait encore pu vivre plusieurs mois, peut--
- ↑ Fenimore Cooper appartient à l’église épiscopale protestante. L’opinion qu’il exprime ici montre bien l’influence du catholicisme sur un esprit comme le sien.