CHAPITRE VI.
a visite du capitaine Dagget eut pour effet de hâter l’équipement
du Lion de Mer. Le diacre connaissait trop bien le caractère
des marins de l’île pour traiter légèrement un incident de
cette importance. Il ne savait point ce qu’on avait pu dire aux
gens du Vineyard de ses grands secrets ; mais il ne doutait pas
qu’ils n’en sussent assez et qu’ils n’en eussent assez appris par la
visite du capitaine Dagget, pour attiser toutes leurs convoitises
et pour les pousser vers les régions polaires.
Pour un tel peuple, les distances et les difficultés ne sont rien, le même homme qui a été occupé aujourd’hui à couper les blés dans son champ solitaire, où l’on pourrait croire que l’ambition et l’amour de l’argent ne sauraient pénétrer, est prêt à quitter ses foyers en vingt-quatre heures, prenant l’épissoir en même temps qu’il met la fourche de côté, et partant pour l’autre extrémité du monde avec aussi peu d’hésitation que d’autres pourraient en mettre à faire un voyage d’une semaine. Le diacre n’ignorait pas que tel était le caractère de ceux auxquels il avait affaire, et il comprit la nécessité de la plus grande prudence unie à la persévérance et à l’activité.
Philip Hasard, dont il a déjà été question, reçut l’ordre de ne pas perdre de temps, et les hommes déjà recrutés pour le voyage commencèrent à traverser le Sund et à se montrer à bord du schooner. Quant au vaisseau, il avait tout ce qui lui était nécessaire, et le diacre commença à témoigner quelque impatience de ce qu’il ne voyait pas arriver deux ou trois hommes d’un mérite