Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/77

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Roswell Gardiner. Le vent était favorable, et le bateau glissait rapidement sur les vagues, ce qui permettait au jeune homme de s’occuper à peu près uniquement de sa charmante compagne. Roswell Gardiner avait cherché cette occasion, afin d’ouvrir encore une fois son cœur à Marie avant une longue absence. Il le fit avec une mâle franchise qui était loin de déplaire à l’aimable fille qui l’écoutait. Un instant même elle fut près d’oublier la résolution qu’elle avait prise de ne consulter que le sentiment religieux dans la réponse que lui demandait Gardiner. Mais elle parvint à repousser la tentation que son cœur venait lui offrir et à reprendre plus d’empire sur elle-même.

— Roswell, dit-elle, peut-être aurait-il mieux valu que j’eusse pris congé de vous au port, et que je n’eusse point couru le risque de vous donner et d’éprouver moi-même le chagrin que je prévois. Je ne vous ai rien caché ; il est possible même que j’aie été plus sincère que la prudence ne l’autorisait. Vous savez le seul obstacle qui s’oppose à notre union, ajouta la jolie, puritaine ; mais plus je vous demande d’y réfléchir et de l’écarter, plus il semble augmenter.

— Que voulez-vous que je fasse, Marie ? Vous ne voulez pas sans doute que je me rende coupable d’hypocrisie, et que je paraisse croire ce qu’assurément je ne crois pas, ce qu’après toutes mes recherches je ne puis croire.

— Je suis fâchée sous tous les rapports qu’il en soit ainsi, reprit Marie d’un ton triste ; je suis fâchée qu’un homme d’un cœur si franc, si loyal, trouve impossible d’accepter la croyance de ses pères, et qu’il creuse ainsi pour toujours entre nous deux un abîme infranchissable.

— Non, Marie, cela ne peut pas être ! Il n’y a que la mort qui puisse nous séparer longtemps ! Tant que nous nous verrons, nous serons toujours amis, et des amis aiment à se voir souvent.

— Dans un moment comme celui-ci, Roswell, ce que j’ai à vous, dire pourra vous paraître dur, mais c’est le contraire qui est vrai lorsque je vous dis que nous ne devons plus nous revoir en ce monde, si nous devons suivre deux voies différentes vers l’autre vie. Mon Dieu n’est pas votre Dieu, et quelle paix peut exister