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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/118

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nant insensiblement, Marc comprit que s’il se laissait aller à cet état de faiblesse qui allait s’augmentant de jour en jour, il était perdu. Il y avait à bord quelques bouteilles d’excellente bière de Philadelphie, et une de ces bouteilles était sur une planche au-dessus de son lit. Il l’aperçut, et il lui prit l’envie d’en goûter. En se soulevant sur son séant, il pouvait l’atteindre, mais comment la déboucher ? Il n’en aurait pas eu la force, quand même il aurait eu un tire-bouchon à sa portée, ce qui n’était pas. Mais il avait un marteau sur la même planche ; il s’en servit pour faire sauter le goulot, et se versa un grand verre, qu’il vida d’un seul trait. Cela lui parut délicieux, et il recommença. L’effet du breuvage ne se fit pas attendre. À peine s’était-il renfoncé sous sa couverture, qu’il fut saisi comme d’une espèce de vertige ; tous les objets semblaient tourner autour de lui, puis il eut une demi-heure de sommeil agité ; enfin la transpiration s’établit, et notre malade s’endormit profondément.

Quand il se réveilla, et bien des heures s’étaient écoulées dans l’intervalle, peut-être deux jours et deux nuits tout entières. Marc sentit qu’il n’était plus malade ; mais il ne se rendit pas sur-le-champ bien compte de son extrême faiblesse. Dans le premier moment, il lui sembla qu’il n’avait qu’à se lever, à prendre un peu de nourriture et à retourner à ses occupations ordinaires. Mais la vue de ses jambes amaigries et le premier effort qu’il fit pour se lever le convainquirent qu’il avait encore à passer par de longs jours de convalescence avant de se retrouver tel qu’il était une ou deux semaines auparavant. Un grand bonheur pour lui c’était, à ce premier retour de la vie, d’avoir du moins la tête aussi libre et les idées aussi nettes que lorsqu’il se portait le mieux.

Marc regarda comme un bon symptôme l’envie qu’il avait de manger. Quoiqu’il fût très-brouillé dans les dates, et qu’il n’eût aucun moyen de calculer le temps qu’avait duré sa maladie, il était certain que bien des jours s’étaient passés sans qu’il eût pris d’autre nourriture qu’une ou deux bouchées de biscuit. Ces circonstances se retracèrent à sa mémoire en même temps