Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/12

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gitte Yardley, la fille unique du très-redoutable confrère de son père.

Les deux médecins étaient obligés d’avoir ensemble de tristes relations, soit dit sans calembour. Ils étaient trop souvent appelés ensemble en consultation pour être en guerre ouverte. Mais si les chefs des deux familles se trouvaient parfois en même temps au chevet du lit d’un malade, les familles elles-mêmes n’avaient point de relations entre elles. Elles pouvaient se rencontrer par hasard en soirée, mais sans jamais se faire la moindre avance. Les excellentes dames n’étaient pas moins divisées pour les opinions religieuses que leurs maris pouvaient l’être sur la vertu de tel ou tel remède. Il n’était guère question alors d’homéopathie ; ni d’allopathie, ni d’hydropathie, ni de toutes les opathies du monde ; mais on n’en trouvait pas moins matière à de très-amères discussions, et les médecins se déchiraient à tout aussi belles dents qu’aujourd’hui. La religion n’exerçait pas une influence plus salutaire sur ses adeptes. Ainsi, mistress Woolston, et mistress Yardley étaient ce qu’on appelle des personnes pieuses ; elles disaient exactement leurs prières ; elles allaient chacune à leur église particulière, et c’étaient des églises très-particulières en effet ; chacune s’imaginait avoir une dose suffisante de la foi qui sauve, mais ni l’une ni l’autre n’avait beaucoup de charité pour sa voisine aussi, comme nous l’avons donné à entendre, jamais ne mettaient-elles les pieds l’une chez l’autre.

Bien différents étaient les sentiments des enfants. Anne Woltston, la sœur aînée de Marc, et Brigitte Yardley, étaient presque du même âge, et elles étaient compagnes de pension et les meilleures amies du monde. Rendons justice à leurs mères elles ne cherchèrent pas à contrarier cette inclination ; au contraire, elles laissèrent leurs filles libres de s’y livrer, comme s’il leur suffisait de se haïr personnellement, sans chercher à transmettre à leurs enfants ces sentiments d’hostilité. Anne et Brigitte s’aimaient donc de toute leur âme, persuadées, les chères petites, dans la simplicité de leurs cœurs, que puisque leurs