Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/16

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tage, c’était généralement lorsqu’il était trop tard, et après que les jeunes gens étaient devenus trop profondément amoureux pour écouter les conseils de la prudence.

Marc partit cette fois en laissant son cœur derrière lui, mais, néanmoins, rempli d’espérance. À son âge, on ne se laisse pas abattre et, tout en restant fidèle à son amie, il n’était pas parti depuis huit jours qu’il était le boute-en-train de tout l’équipage. Il n’allait pas directement à Canton, comme à son premier voyage. Le Rancocus portait une cargaison de sucre à Amsterdam ; de là il alla à Londres ; où il prit un chargement pour Cadix. C’était l’époque où le volcan de la Révolution française jetait ses premiers feux, et c’était par la marine américaine que se faisait la plus grande partie du commerce du monde. Le capitaine Crutchely avait pour instructions de faire le cabotage en Europe, jusqu’à ce qu’il eût réuni un nombre de dollars suffisant pour acheter une riche cargaison. Alors seulement il devait prendre la route de Canton. Comme il allait de port en port, Marc eut beaucoup d’occasions de voir le monde, autant du moins qu’on peut le voir dans les ports de mer. Grande en effet est la différence entre des villes qui ne sont que des entrepôts de commerce, et celles qui sont les capitales politiques de vastes contrées ! Il en est quelques-unes, Londres, par exemple, qui réunissent les deux avantages, et alors elles échappent à ce ton provincial, à cet esprit étroit, qui n’est que trop commun dans les simples résidences de cours. C’est ce qui rend Naples, malgré le peu d’importance de son commerce, supérieure à Vienne, et Gênes à Florence. Quoi qu’il en soit, si Marc, dans ses visites précipitées à Amsterdam, à Londres, à Cadix, à Bordeaux, à Marseille, à Gibraltar, et à quelques autres ports encore, que je pourrais nommer, n’eut pas le temps d’approfondir ce qu’il voyait et ce qu’il entendait, il n’en fit pas moins une ample récolte de connaissances, dont il fit son profit par la suite. Peu à peu il dépouillait la rouille de sa province, et ses idées s’agrandissaient. Avant de partir pour Canton, Marc se vit appelé du gaillard d’avant à la cabine. Les deux années qu’il avait passées sur mer