Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/19

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nous rattachent au passé. En même temps les lois sur le mariage sont si élastiques, les relations entre les jeunes gens des deux sexes sont si faciles, si peu surveillées, qu’il n’est pas étonnant que ce grand engagement soit si souvent contracté sans réflexion et contre la volonté des parents. Mais le commandement de Dieu n’en est pas moins là et nous sommes de ceux qui croient qu’on ne saurait l’enfreindre sans s’exposer à en sentir la peine, même dans ce monde, et nous sommes porté à penser que si Marc et Brigitte eurent tant à souffrir plus tard, ce fût pour avoir bravé en face l’autorité paternelle.

La scène qui avait eu lieu chez le docteur Yardley ne tarda pas à être connue du docteur Woolston. Il aimait assez Brigitte, autant du moins qu’il pouvait aimer une Yardley ; mais l’outrage fait à son fils était trop sanglant pour qu’il pût l’oublier, et, à son tour il défendit toutes relations entre les jeunes filles. Brigitte aimait Anne presque à l’égal de Marc, et elle ne pouvait s’habituer à ne plus la voir. Sa santé même s’en altéra au point d’alarmer son père. Pour la distraire, il imagina de l’envoyer chez une de ses tantes à Philadelphie, oubliant que c’était justement la que le bâtiment de Marc était amarré et que nulle part les jeunes gens n’auraient plus de facilités pour se voir. Le bon docteur n’y pensa pas, ou s’il y pensa, il se dit sans doute que sa sœur ferait bonne garde, et qu’elle aussi, elle interdirait sa maison au jeune marin.

Les choses tournèrent comme le docteur aurait dû le prévoir. Marc ne fut pas plus tôt retourné à bord de son bâtiment, dont il était alors le premier lieutenant, qu’il chercha Brigitte, et il n’eut pas de peine à la trouver. La tante voulut se montrer sévère, défendre les visites ; mais on obéit à une tante encore moins qu’à un père, et nos amoureux se donnèrent des rendez-vous secrets. Une semaine ou deux se passèrent ainsi. Marc ne pouvait songer à partir pour un nouveau voyage en laissant sa bien-aimée entre les mains de ceux qu’il considérait comme ses ennemis. Il paraissait si malheureux, il déploya tant d’éloquence, que Brigitte se laissa convaincre. Il fut décidé qu’on se