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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/26

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arrangements, et voir si tout était bien en ordre. Le bon capitaine ne se fit pas faute de plaisanteries et de bons mots qui firent rougir plus d’une fois Brigitte, mais que son affection pour Marc lui fit supporter plutôt que d’abréger une visite qui lui était si chère dans un pareil moment.

Cependant, l’heure de la séparation finale arriva. Malgré tout son courage, Marc sentit son cœur près de se briser, et Brigitte éclatait en sanglots. Une séparation de deux ans, c’est un siècle pour ceux qui n’ont pas encore vécu quatre lustres. Qu’eût-ce été, s’ils avaient pu prévoir par quels grands et mystérieux événements leur absence devait être prolongée !

Il avait fallu employer une sorte de violence pour emmener Brigitte, et du rivage elle suivit tant qu’elle put le bâtiment. Marc ne pouvait plus distinguer ses traits, qu’il voyait encore un mouchoir qui s’agitait en l’air. Puis la distance et les objets qui s’interposèrent entre eux mirent fin même à cette dernière correspondance.

Marc trouva dans sa petite chambre, — car dans la cabine du Rancocus on avait ménagé quatre cabinets, l’un pour le capitaine, deux pour les lieutenants, et le quatrième pour le subrécargue, — plus d’une preuve de l’affection de Brigitte. Mistress Crutchely elle-même, malgré sa longue expérience, n’avait pas montré plus de sagacité, ni certainement plus de sollicitude à préparer et à réunir tout ce dont le capitaine pouvait avoir besoin, que la jeune femme à orner la chambre de son petit mari. À cette époque les artistes n’étaient pas nombreux en Amérique, et ce n’était pas chose facile de trouver à faire faire son portrait ; mais Brigitte avait fait découper son profil, l’avait mis dans un joli cadre, et ce fut une charmante surprise en même temps qu’une douce consolation pour Marc, lorsque, après cette cruelle séparation, il chercha la solitude pour se remettre de son émotion, de reconnaître des traits qui lui étaient si chers ; car le profil avait été très-bien pris, et Brigitte avait une coupe de figure qu’il était facile de reproduire par ce procédé. C’était bien elle, la tête légèrement penchée d’un côté, pose qui lui