Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/30

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CHAPITRE III.


Ô Dieu puissant des mers ! ta voix retentissante
A tiré du repos la vague obéissante.
Elle se dresse en mont, puis retombe en grondant,
Puis, se dressant encor, terrible elle descend
Avec un bruit affreux sur le pont qu’elle inonde ;
Des éclairs redoublés percent la nuit profonde…
Fais un signe ; aussitôt la tempête se tait,
Les vents sont apaisés, et le calme renaît.

Peabody



La journée qui précéda la nuit dont nous avons à parler fut brumeuse, et le vent était est-sud-est, circonstance favorable pour le Rancocus, qui portait au sud-ouest. Le capitaine Crutchely avait un défaut capital pour un maître de bâtiment : il buvait trop de grog à son dîner. À tout autre moment de la journée, c’était un homme sobre ; mais au dîner il avalait d’un trait trois ou quatre verres de rhum avec très-peu d’eau. Et ce n’était pas de cette manière seulement qu’il savourait les douceurs de la table : il ne faisait pas moins d’honneur aux mets abondants qu’il avait soin de se faire servir, et la cuisine de son bord était renommée.

Le jour en question était précisément l’anniversaire de la naissance de mistress Crutchely, et le capitaine était trop bon mari pour ne pas le célébrer par des libations plus copieuses encore que d’ordinaire. Or, quand la ration régulière est déjà plus qu’il ne faudrait pour la santé, pour peu qu’on y ajoute encore il est impossible que la tête résiste. C’est ce qui était arrivé, au capitaine au moment où il quittait la table. Marc qui, lui, ne faisait jamais d’excès, vit avec peine l’état de son capitaine, d’autant plus qu’un matelot qui redescendait de la hune prétendait que, dans un moment où le temps était clair, il avait vu à l’avant un point où la mer était « blanche ». Marc fit connaître cette circonstance au capitaine en disant qu’il pourrait être à