Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/300

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jeune Ooroony lui-même était toujours resté dans l’ignorance de ce qui pouvait s’y trouver. Il voyait les bâtiments aller et venir ; il savait que le gouverneur y débarquait souvent ; il voyait parfois sur le Récif apparaître des figures étrangères qu’il supposait habiter l’île mystérieuse ; il pensait donc, naturellement, qu’il existait là un peuple bien plus puissant que celui avec lequel il était en relation.

Le gouverneur avait un moyen aussi simple qu’ingénieux d’intéresser les Kannakas au travail, c’était de faire jouer la mine devant eux. La vue de ces blocs de pierre sortant avec fracas de leur lit, et bondissant sous l’action d’une force inconnue, avait un attrait singulier pour ces sauvages. Ils travaillaient toute la journée à percer le roc, puis, après l’explosion, ils charriaient les débris, qui devaient servir à la construction des murs. C’était un jeu plus qu’un travail, et, certes, ils n’eussent pas mis la moitié de ce zèle à toute autre besogne.

Les plus grands soins furent donnés à la culture du jardin colonial. Dans certains endroits la terre n’avait qu’un pied de profondeur ; dans d’autres, où des fissures naturelles avaient facilité le jeu de la mine, il avait fallu quatre ou cinq pieds de remblai. Ces places profondes furent marquées, afin de recevoir plus tard des arbres. On ne se contenta point d’étendre sur la terre une couche de sable et de limon ; mais on commença par y mettre des herbes marines, qui furent recouvertes ensuite par l’engrais. De cette façon, on forma un sol capable de porter les plus riches produits de la nature. Mais le gouverneur ne voulait faire cette fois qu’un jardin d’agrément. Des arbustes, des fleurs, du gazon, voilà tout ce qu’il mit dans le jardin colonial ; quant aux fruits et aux légumes, les plaines du Cratère en fournissaient suffisamment pour les besoins de toute la colonie. Le danger que redoutait le plus le gouverneur, c’était que cette grande abondance de produits ne rendît son peuple indolent et paresseux ; car la paresse entraîne infailliblement à sa suite l’ignorance et le vice. C’était donc pour tenir toujours en haleine la colonie, et pour lui donner le goût des améliorations,