Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/35

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d’avoir toujours un homme en vigie, et les basses voiles sur les cargues, afin de pouvoir amurer tout bas et s’éloigner au vent, s’il était nécessaire.

Il est certain que, par suite de ces dispositions, le péril était beaucoup moindre, et lorsque Marc prit le quart, ses inquiétudes avaient diminué. Ce qui le tourmentait, c’était l’obscurité intense qui l’entourait, et qui ne lui permettait pas de distinguer la mer même à une encablure du bâtiment. Le capitaine et Hillson étaient rentrés dans la cabine, où ils avaient encore vidé chacun un grand verre de rhum. Le jeune marin, debout entre les apôtres, redoubla de surveillance, et puisque ses yeux ne pouvaient lui rendre aucun service, il prêtait avidement l’oreille pour saisir quelque lointain murmure qui pût l’avertir de la présence des brisants ; car il était persuadé qu’il s’en rapprochait de plus en plus. Il était près de minuit, et la pensée qu’à cette heure Hillson allait prendre sa place, lorsque de nouveaux excès l’avaient mis hors d’état de veiller à la sûreté du bâtiment, lui causa une angoisse inexprimable. Il ne se trompait pas cette fois : c’était bien le bruit redouté qu’il entendait non pas à l’avant, mais à tribord. Le danger était assez pressant pour qu’il pût se départir de ses instructions, et il donna ordre aussitôt de mettre la barre tout à tribord, afin de courir debout au vent à bord opposé. Par malheur, ainsi que l’événement le prouva, son devoir impérieux était d’aller rendre compte au capitaine de ce qu’il avait fait. Un moment il eut la pensée de ne rien dire, de ne point réveiller le second lieutenant et de rester sur le pont jusqu’au jour ; mais la réflexion le convainquit que c’était une responsabilité qu’il ne lui était pas permis de prendre, et, d’un pas lent, le cœur rempli de tristes pressentiments, il entra dans la cabine.

Ce n’était pas chose facile de réveiller deux hommes dans la position où le capitaine et Hillson s’étaient couchés. Hillson surtout était dans un état voisin de la léthargie ; mais la situation était trop grave pour garder des ménagements, et Marc les secoua violemment.