Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/353

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une distance convenable des pirates. La chose n’était pas difficile ; des bâtiments aussi légers pouvaient défier à la course des navires gréés à trait carré. Partout l’eau était assez profonde, — partout si ce n’était cependant sur un point où il y avait un bas-fond de quelque étendue, sur lequel il n’y avait guère que seize pieds d’eau ; – c’était assez pour les bâtiments de Marc, assez même peut-être pour les deux bricks des pirates ; mais quant à la frégate de l’amiral, s’il pouvait l’attirer de ce côté, il était bien sûr qu’elle ne s’en dépêtrerait jamais. Il s’avança donc hardiment, ayant le vent en poupe ; l’ennemi n’hésita pas à le suivre, et il établit même des bonnettes pour accélérer sa marche.

Les distances étaient loin d’être insignifiantes dans ces passages tortueux. S’il y avait vingt-sept milles par la route la plus courte pour arriver au Récif, il y en avait près du double par ce canal indirect, et le soleil se couchait lorsque le gouverneur atteignit le bas-fond dont nous avons parlé. Il se mit à louvoyer autour pendant quelque temps, espérant y attirer la frégate dans l’obscurité ; mais l’amiral était trop prudent pour donner dans le piège : dès que le jour tomba, il fit serrer toutes les voiles et jeta l’ancre. Il est probable qu’il se croyait sur la route du Récif, et qu’il ne voyait aucun avantage à s’aventurer dans les ténèbres, puisque sa proie ne pouvait lui échapper.

De part et d’autre, on se prépara donc à passer la nuit sur ses ancres. L’Anna et la Marthe étaient alors à moins d’un mille de ce point si étroit, à travers lequel il fallait passer de toute nécessité, puisqu’il n’y avait pas d’autre chance de salut. Mais la chose était-elle possible ? c’était ce qu’il était urgent de reconnaître, et le gouverneur monta sur la Marthe, qui avait plus de largeur que l’Anna, et se dirigea vers les rochers. Si le sloop pouvait franchir le défilé, il était évident que l’autre embarcation suivrait sans peine. D’abord, il réussit assez bien, mais il arriva bientôt à un endroit où les rochers se rapprochaient tellement qu’il était impossible de passer outre. Les circonstances n’admettaient point de retard. Chacun saisit le premier outil qui lui