Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/359

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rent une source de bénéfices considérables. De ce nombre fut naturellement le gouverneur qui, n’ayant pas besoin de sommes aussi importantes, en plaça la plus grande partie en rentes six pour cent, aux États-Unis, en chargeant ses amis de toucher les intérêts, et de les porter à son crédit.

Si l’industrie de l’homme était pour beaucoup dans la prospérité de la colonie, la nature avait fait plus encore, et Dieu semblait avoir entouré cette heureuse terre d’une prédilection toute particulière. Mais il est de notre triste devoir de dire que les colons ne tardèrent pas à l’oublier. Après ces succès éclatants, il se fit un changement notable dans leurs sentiments, et ils s’exagérèrent outre mesure leur importance et leur pouvoir. On eût dit, à les entendre, que c’étaient eux qui avaient fait ces îles charmantes, qui les avaient douées de fertilité, et les avaient transformées en de riches greniers d’abondance. Les palmiers s’étendaient alors sur une grande partie des îles ; les orangers et les citronniers embaumaient l’air du parfum de leurs fleurs ; les campagnes étaient vertes et riantes, et l’abondance régnait jusque dans la plus modeste habitation.

C’est dans des conditions semblables que cette humilité salutaire, qui est la sauvegarde de l’humanité, court de grands dangers. De l’oisiveté qui résulte de ce bien-être naît bientôt la sensualité ; la créature s’oublie ; elle se met à la place de Dieu, et ne tarde pas à croire que ces biens dont elle jouit, c’est elle qui les a créés.

Sans doute cette oisiveté, si dangereuse, n’avait pas encore étendu sur nos colons sa morbide influence ; l’appât du gain les stimulait encore à des efforts peut-être plus énergiques ; mais la présomption commençait à s’emparer d’eux, et trois causes qui, dans l’opinion de la plupart des hommes, auraient dû produire des effets tout contraires, contribuèrent à accélérer ce résultat : la religion, — on va voir quelle religion ! — la loi et la presse.

Au nombre des émigrants que le Rancocus ramena quelques mois après la dispersion des pirates, et que le conseil se vit dans