Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/376

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vaient encore parmi l’équipage, il mit à la voile pour Valparaiso, où il se défit avantageusement de sa cargaison, et il rentra à Philadelphie après un peu plus de neuf mois d’absence.

Il fut rarement question parmi ceux qui avaient échappé si miraculeusement à ce désastre, de la colonie du Cratère, dont la naissance et la fin avaient été marquées par des catastrophes si extraordinaires. Mais ce fut pour notre ami l’objet de longues et profondes méditations. Que de fois il repassa dans sa mémoire tous les événements de sa vie qui se rattachaient au Récif : son naufrage, et son isolement complet, lorsqu’il y aborda pour la première fois ; ce roc aride, devenu fertile par une sorte de miracle dont il avait été l’humble instrument ; puis toutes ces îles grandissant tout à coup à la suite d’un tremblement de terre ; l’arrivée de sa femme et de ses amis ; le commencement et les progrès de la colonie, prospère tant qu’elle avait suivi la bonne route, maudite lorsqu’elle s’en était écartée son départ, lorsqu’il laissait des établissements en pleine activité au milieu d’une sorte de paradis terrestre ; son retour, pour trouver tout enseveli sous l’Océan ! Voilà pourtant l’histoire du monde et de ses avantages si vantés ! Pendant quelque temps nos efforts semblent créer, orner, perfectionner ; puis nous oublions notre origine et notre destinée nous voulons substituer notre néant à l’action de l’Être infini ; et dès que la main qui nous soutenait se retire, nous tombons dans l’abîme sans fond !

Que ceux qui crient à tout propos : Le peuple ! le peuple ! au lieu de chanter les louanges de leur Dieu, y réfléchissent profondément ! Ils s’imaginent que les masses sont toutes puissantes ; et ils ne voient pas que ce ne sont que des atomes imperceptibles au milieu de ces myriades d’atomes que la sagesse éternelle a créés pour ses fins mystérieuses. Leurs pays si vantés, avec leurs climats si favorables et leurs productions si variées, ne sont qu’une mince portion d’un globe qui lui-même flotte comme un point dans l’espace, suivant la route qui lui est tracée par un doigt invisible, et qui un jour, sortira de son orbite à l’appel de la même voix qui l’y a placé. Gardez-vous