Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/39

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probable que la lame avait balayé le jas de l’ancre, et que l’infortuné capitaine avait été emporté du côté sous le vent au milieu de l’obscurité.

Marc apprit bientôt cette catastrophe, et la grave responsabilité qu’elle lui imposait. Un sentiment d’horreur s’empara de lui, mais il le surmonta aussitôt. Il avait besoin de tout son sang-froid, et il n’y avait pas une minute à perdre. Son premier devoir était de chercher à sauver le capitaine. Le petit canot fut mis à la mer ; six hommes y montèrent dans cette intention charitable. Marc, debout sur le beaupré, les vit passer comme une flèche sous l’avant du navire, et se perdre aussitôt dans les ténèbres de cette scène terrible. Ils ne reparurent pas : une même et affreuse destinée avait frappé en quelques minutes le capitaine Crutchely et six de ses meilleurs matelots !

Malgré ces pertes successives et si déplorables, la besogne n’en allait pas moins. Hillson semblait comprendre enfin qu’il fallait payer de sa personne ; la raison lui était revenue, et il parvint à mettre la chaloupe à la mer. À force de secousses, le bâtiment avait presque dépassé le récif ; c’était à peine s’il touchait encore, et Marc était tout prêt à mouiller ses ancres, dès qu’il penserait qu’il y avait assez d’eau pour le tenir à flot. La sonde indiquait une dérive considérable, à tel point qu’il fallait la retirer à chaque minute pour la jeter de nouveau. D’après ces indices, Marc s’attendait à tout instant à se trouver sur quatre brasses d’eau et c’était le moment qu’il épiait pour jeter l’ancre. Cependant il dit au charpentier de sonder les pompes. Le résultat fut qu’il n’y avait que la quantité d’eau ordinaire dans la sentine. La quille n’avait encore reçu aucune atteinte sérieuse.

Tandis que Marc, la sonde à la main, observait avec anxiété la dérive du bâtiment et la profondeur de l’eau, Hillson était occupé à placer des provisions dans la chaloupe. Il y avait dans la cabine un peu de numéraire qui y fut également transporté d’après l’ordre du second lieutenant, et sans que Marc en fût même informé. Il était sur le gaillard d’avant, trop occupé pour faire attention à ce qui se passait à l’arrière, où Hillson res-