Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/63

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resté à son ancien ancrage ; et s’il eût été jeté contre les brisants dans l’obscurité, leur perte était à peu près certaine. Les vagues soulevées venaient s’amonceler avec fracas tout autour de l’île et couvraient la mer d’écume ; mais, arrêtées par la muraille naturelle qui protégeait le Rancocus, elles venaient s’y briser en rejaillissant en des nuages de vapeurs sur le navire qu’elles inondaient, sans lui faire d’autre mal. Marc resta sur le pont jusqu’après minuit. Voyant alors que l’ouragan commençait à se calmer, il entra dans la cabine et y dormit profondément jusqu’au matin. Quant à Bob, il avait été faire son quart en bas dès le commencement de la soirée, et il faisait grand jour quand il reparut sur le pont.

Marc monta encore une fois dans les barres de perroquet pour jeter un nouveau regard sur la mer, sur les brisants et sur l’île. La position était changée, et il découvrait un plus grand espace du côté de l’ouest, mais rien ne s’offrit à sa vue qui pût ranimer l’espoir qu’il y aurait quelque moyen de tirer le Rancocus de son étroite prison. Il redescendit donc sur le pont, avec cette conviction plus arrêtée que jamais, pour partager le déjeuner que Bob s’était mis à préparer dès qu’il avait quitté le poste où il avait été, comme autrefois, suspendre son hamac sur le gaillard d’avant, car Marc n’avait jamais pu le décider à prendre une des chambres de la cabine. Cette fois ce fut sur la table du capitaine que le déjeuner fut servi, déjeuner à peu près complet, dont le café fit même partie. Le ciel était sans nuages, et les rayons du soleil avaient une force qui rendait peu agréable de s’asseoir autre part qu’à l’ombre. Pendant le repas, un nouvel entretien s’établit dans la cabine.

— À la manière dont le vent soufflait la nuit dernière, dit Marc, je doute fort que nous eussions eu ce matin une salle à manger aussi agréable, et une table aussi bien servie, si nous étions restés là-bas.

— Il était temps d’en sortir, monsieur Marc, répondit Bob, et s’il faut vous parler à cœur ouvert, tout en étant d’avis d’en risquer l’aventure, j’avoue que je croyais que nous n’arriverions