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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/79

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avait au moins autant à se féliciter qu’à se lamenter. Aussi résolut-il de s’armer de tout son courage, et il reprit sa promenade avec un calme et une résignation qu’il n’avait pas eue depuis la malheureuse entrée du Rancocus au milieu des brisants.

En jetant les yeux autour de lui, Marc fut amené assez naturellement à se demander ce qu’il fallait faire des animaux domestiques, qui tous alors avaient été débarqués dans l’île. Les porcs pourraient lui être plus ou moins utiles, suivant que son séjour se prolongerait. Il y avait encore pour eux de la nourriture à bord pour quelques mois, mais cette nourriture était celle qu’on donnait aussi aux poules, et il importait plus encore aux deux naufragés d’avoir des œufs que du porc frais. Restait la chèvre ; il n’y avait plus grand service à attendre d’elle, et elle ne trouverait rien à brouter. Mais la petite provision de foin n’était pas épuisée, et tant qu’elle durerait, Marc décida que la jolie bête, si joyeuse et si folâtre, serait épargnée. Bien lui prenait de se contenter d’une nourriture qui ne pouvait convenir à aucun autre animal.

Marc ne pouvait rien apercevoir sur les rochers dont un volatile pût se nourrir, et cependant les poules étaient toujours à becqueter quelque chose. Elles trouvaient sans doute des insectes qui échappaient à sa vue. Quant aux canards, ils barbotaient à cœur joie dans les mares que la pluie venait d’improviser. Toutes ces créatures du bon Dieu continuèrent à recevoir leur pitance accoutumée, et leurs joyeux ébats semblaient exprimer la joie qu’elles avaient de vivre. En se promenant au milieu d’elles, Marc réfléchissait de quels sentiments de gratitude il devrait être animé, puisqu’il était encore en position de goûter un genre de bonheur complètement inconnu aux êtres inférieurs de la création. N’avait-il pas toujours à sa disposition son esprit avec toutes les ressources qu’il avait puisées dans l’étude et dans l’expérience, et son intelligence qui s’élevait jusqu’à Dieu, son créateur, et lui montrait en perspective une éternité bienheureuse ! Et son affection pour Brigitte, si elle avait son amer-