Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/135

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au factionnaire : — Nous sommes les maîtresses de la maison, lui dit-elle, et nous examinons nous-mêmes si tout est en ordre. Il me semble bien étonnant que, lorsque nous parcourons notre demeure, nous y rencontrions des hommes armés.

— J’ai ordre de veiller sur les portes de ces trois chambres ; Madame, répondit le soldat en présentant respectueusement les armes, attendu qu’il s’y trouve trois prisonniers ; du reste, mes camarades et moi nous ne sommes ici que pour vous servir.

— Des prisonniers ! répéta Catherine en affectant un air de surprise ; le capitaine Borroughcliffe veut-il donc faire une prison de l’abbaye de Sainte-Ruth ? Et de quel crime sont coupables ces pauvres gens ?

— Je l’ignore, Madame ; mais ce sont des marins qui ont, je suppose, déserté le service de Sa Majesté.

— Cela est bien étrange ! et pourquoi ne les a-t-on pas envoyés dans la prison du comté ?

— C’est une affaire qu’il faut approfondir, dit Cécile en écartant la mante qui lui couvrait une grande partie du visage. Comme maîtresse de cette maison, j’ai droit de savoir ce qui se passe dans ses murs, et je vous prie de m’ouvrir ces portes, car je vois que vous en avez les clefs à votre ceinture.

Le soldat hésita. Il était intimidé par le ton qu’avait pris Cécile autant qu’éblouis par sa beauté peu commune ; mais une heureuse pensée qui se présenta tout à coup à son esprit le tira d’embarras en conciliant ses principes de subordination avec le désir qu’il avait de satisfaire miss Howard.

— Voici les clefs, Madame, lui dit-il en les lui remettant ; ma consigne est de veiller à ce que les prisonniers ne sortent pas, de leur chambre, mais non d’empêcher que personne y entre. Je vous prie seulement d’être le moins longtemps possible, quand ce ne serait que par compassion pour les yeux d’un pauvre diable comme moi, car je n’oserai perdre les portes de vue un seul instant jusqu’à ce qu’elles soient bien fermées.

Cécile prit les clefs, et elle allait en essayer une dans la serrure de la première porte quand Alix Dunscomhe lui arrêta la main qui tremblait comme une feuille agitée par le vent, et adressa à son tour la parole au soldat.

— Ne dites-vous pas qu’ils sont trois ? Sont-ce des gens d’un âge avancé ?