Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/175

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de me dérober mon trésor le plus précieux ? Oui, Messieurs, la fille de mon frère Harry. Faut-il encore qu’il fasse une invasion dans cette île sacrée dans le même dessin ? qu’il apporte sa trahison en quelque sorte sous les yeux du souverain qu’il trahit ? Non, non, Kit, votre loyauté vous égare : il ne peut avoir porté la témérité jusqu’à ce point.

— Écoutez-moi, Monsieur ; et vous serez convaincu. Je ne suis pas surpris de votre incrédulité ; mais comme un bon témoignage est l’âme de la justice, je ne puis résister à son influence. Vous savez qu’on a vu pendant plusieurs jours sur ces côtes deux navires qui, d’après la description qu’on nous en a faite, paraissaient être ceux qui nous ont fait tant de mal dans les parages de la Caroline, et c’est même ce qui vous a déterminé à mettre l’abbaye de Sainte-Ruth sous la protection du capitaine Borroughcliffe. Le lendemain du jour où nous apprenons que ces bâtiments se sont avancés au milieu des brisants de la haie de Devil’s-Grip, on trouve trois individus vêtus en marin, rôdant dans les environs de votre maison ; on les conduit devant vous, et dans les traits de l’un d’eux je reconnais sur-le-champ ceux du traître Griffith ; il était déguisé à la vérité, très-déguisé ; mais quand un homme a dévoué toute sa vie à la recherche de la vérité, il est difficile qu’aucun déguisement lui en impose.

Il prononça cette dernière phrase avec l’air de la plus grande modestie.

Ces divers rapprochements donnaient à ce qu’il avançait un air de probabilité aux yeux du colonel Howard, et le dernier raisonnement de Christophe acheva de le convaincre. Cependant Borroughcliffe écoutait la conversation avec intérêt et il se mordit plus d’une fois les lèvres de dépit. Dès que Dillon eut cessé de parler, il s’écria :

— Je gagerais ma vie qu’il y en avait un des trois qui avait servi.

— Bien n’est plus probable, digne capitaine, répondit Christophe ; car ce débarquement n’ayant pas été fait sans de mauvais desseins, vous pouvez être sûr que Griffith n’est pas venu ici sans sauvegarde et sans protection. Tous trois étaient sans doute des officiers, et il est possible que l’un d’eux soit un officier des troupes de marine. Je suis convaincu qu’ils avaient des secours sous la main, et c’est d’après cette conviction que j’ai été chercher du renfort.