Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/201

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de l’Angleterre ! Placez sur l’Ariel le pavillon anglais au-dessus de celui de celui d’Amérique.

La présence subite de tout une flotte ennemie à demi-portée de canon n’aurait pas causé plus d’étonnement parmi les vainqueurs que cet ordre extraordinaire. Tous suspendirent leurs occupations pour examiner le changement singulier qui s’effectuait dans la position de leurs pavillons victorieux, de ces emblèmes de leur liberté qu’ils ne regardaient qu’avec une sorte de respect ; mais aucun d’eux ne se permit le moindre commentaire sur cette mesure bizarre, à l’exception de Tom Coffin qui, debout sur le gaillard d’arrière de la prise, s’occupait à redresser la pointe de son harpon avec autant de soin et d’attention que si cette arme eût été indispensable pour conserver la possession du navire dont on venait de s’emparer. Cependant il interrompit son travail comme les autres quand il entendit cet ordre, et il ne se gêna nullement pour exprimer son mécontentement.

— Si les Anglais n’en ont pas assez, dit-il, s’ils pensent que nous ne leur avons pas fait assez beau jeu, qu’ils reviennent à la charge, et s’ils ne se trouvent pas assez nombreux à présent, qu’ils envoient une barque chercher une cargaison de ces reptiles fainéants, ces soldats qui sont là-bas à nous regarder comme des lézards rouges rampant sur la terre : nous nous mesurerons une seconde fois contre eux ; et pourtant je ne vois pas à quoi bon les harponner, ajouta-t-il en levant les yeux sur le pavillon anglais qu’on arborait en ce moment sur la prise, si c’est ainsi que cela doit finir.

— Qu’avez=vous à gronder comme un vent du nord-est, vieux radoteur ? lui dit Barnstable : que sont devenus nos amis et nos concitoyens débarqués ? Êtes-vous d’avis de les laisser pourrir dans un cachot ou danser au bout d’une corde ?

Le contre-maître l’écouta avec beaucoup de gravité, et quand son commandant eut cessé de parler, il se frappa la cuisse de sa large main.

— Je vois ce que c’est, mon capitaine, dit-il ; vous pensez que ces Habits Rouges tiennent monsieur Griffith à la remorque. Eh bien ! faites entrer le schooner dans les eaux basses, et appuyez le sur une ancre, et alors notre long canon pourra porter jusqu’à eux : ou bien donnez-moi la barque et cinq ou six hommes pour me seconder ; il faudra qu’ils aient les jambes longues s’ils