Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/208

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Le pilote leur fit signe de marcher, et tous trois s’avancèrent en silence et avec précaution ; ils ne tardèrent pas à rencontrer des murs en ruines. Ils s’étendaient sur une grande surface, et quelques parties élevant encore vers le ciel leurs débris noircis par le temps ajoutaient à l’obscurité du bois voisin.

— Voici ce qu’il nous faut, dit Griffith, bien assuré que ces ruines étaient celles qu’il cherchait ; amenez ici vos soldats ; je m’y trouverai, et je vous conduirai dans une partie encore plus sûre de ces ruines, que je tâcherai de découvrir pendant votre absence.

— C’est un vrai paradis après le plancher de l’Ariel, dit Manuel, et je ne doute pas qu’il ne se trouve là, parmi ces arbres, quelque endroit convenable pour y faire faire l’exercice ; il y a plus de six mois que mon âme soupire pour en avoir l’occasion.

— Il ne nous faut ni exercice, ni revue, ni paroles, dit Griffith ; nous serons assez heureux si nous ne sommes ni pris ni découverts avant que nous puissions occuper vos soldats d’une besogne plus sérieuse.

Manuel s’en allait à pas lents, mais il se retourna tout à coup pour demander à Griffith :

— Placerai-je un petit piquet, une simple garde de caporal en vedette sur le terrain découvert, et établirai-je une chaîne de sentinelles à nos ouvrages avancés ?

— Où sont-ils, ces ouvrages ? s’écria Griffith avec impatience ; nous n’avons pas besoin de sentinelles ; notre sûreté dépend entièrement du silence et du secret. Amenez-nous vos hommes sans bruit sous le couvert de ces arbres, et que ces trois étoiles vous servent de boussole. Il faut les tenir parallèlement au coin septentrional du bois, et…

— Suffit, monsieur Griffith, suffit, dit Manuel ; croyez-vous qu’il faille consulter la boussole et les astres pour faire marcher une colonne de troupes ? Fiez-vous à moi, Monsieur, mes troupes marcheront avec toute la discrétion convenable, quoique toujours militairement.

Griffith ne put lui faire ni réponse ni observation, car le capitaine disparut à l’instant, et on l’entendit s’éloigner assez rapidement dans les taillis. Pendant ce court intervalle, le pilote resta appuyé sur les débris d’un mur délabré, gardant un profond silence ; mais quand le bruit des pas du capitaine eut cessé de se faire entendre, il se rapprocha de son compagnon.