Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/229

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— Cette guerre ! s’écria le colonel en retirant brusquement sa main, que Griffith tenait encore ; cette guerre ! dites-vous, jeune insensé ? N’est-ce pas un attentat infernal contre les droits de notre gracieux souverain ? une infâme tentative pour mettre des tyrans plébéiens sur le trône des princes légitimes ? un projet pour élever les méchants sur les ruines des bons, pour aider des ambitions coupables à prendre le masque de la liberté et à abuser le peuple par le cri d’égalité ? Comme si la liberté pouvait exister sans ordre ! comme s’il pouvait y avoir une égalité de droits quand les privilèges du monarque ne sont pas aussi sacrés que ceux du peuple !

— Vous nous jugez bien sévèrement, colonel, dit Griffith.

Le vieux militaire l’interrompit avec indignation, et en ce moment il ne reconnaissait plus en lui aucun des traits de Hugues Griffith.

— Moi, je vous juge ! s’écria-t-il. Ce n’est pas à moi qu’il appartient de vous juger. Si j’en étais chargé… Mais le temps viendra, jeune homme, le temps viendra ! J’ai de la patience, et je puis attendre le cours des événements. Oui, oui, l’âge tempère l’ardeur du sang, et nous apprend à modérer les passions et l’impétuosité de la jeunesse. Mais si le gouvernement voulait former une commission de justice pour les colonies et y admettre le vieux George Howard, je consentirais à perdre mon nom, si l’on y trouvait un rebelle en vie au bout d’un an ! Dans une telle cause, Monsieur, ajouta-t-il en se tournant brusquement vers Borroughcliffe, je serais un Romain, et je ferais pendre, s’il le fallait…, oui, Monsieur, je ferais pendre mon neveu Christophe Dillon lui-même.

— Ah ! répliqua le capitaine avec sa gravité ironique, épargnez le cacique, et ne l’appelez pas prématurément à une si haute élévation ! Mais si vous voulez voir quelqu’un qui figurerait peut-être mieux sur un gibet, regardez du côté du bois. Monsieur Griffith, qu’en dites-vous ? Ne voyez-vous pas là-bas un de vos camarades ?

Les yeux du colonel Howard et ceux de Griffith suivirent la direction du bras et du doigt de Borroughcliffe, et le lieutenant américain reconnut sur-le-champ le pilote debout devant la lisière du bois, les bras croisés sur la poitrine, et paraissant contempler la situation dans laquelle se trouvaient ses amis.

Griffith éprouva un moment de confusion, et il hésita même à prononcer la phrase que son imagination lui suggérait. Il dit