Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/23

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de Dieu dans les nuages, que vous pouvez le faire quand vous prenez le porte-voix pour ordonner de carguer les voiles. D’ailleurs n’entendez-vous pas la mer mugir sourdement, comme si elle pressentait le moment de son réveil ?

— Vous avez raison, Tom, dit le lieutenant en faisant quelques pas vers le bord du rocher, et en regardant la mer et le firmament avec l’œil d’un marin ; mais il faut que nous trouvions ce pilote, et…

— Le voilà peut-être, dit Coffin en lui montrant un homme arrêté à quelque distance et qui semblait les observer avec attention, tandis qu’il était lui-même observé avec soin par le jeune midshipman. Si cela est, Dieu veuille qu’il connaisse bien son métier, car il faut de bons yeux sous la quille d’un vaisseau pour qu’il trouve sa route en quittant un pareil ancrage.

— Il faut que ce soit lui, s’écria Barnstable, rappelé tout à coup au souvenir de ses devoirs. Il dit quelques mots à sa compagne, et la laissant derrière la haie, il s’avança vers l’étranger.

Dès qu’il fut assez près pour s’en faire entendre, il s’écria : — Quelles eaux avons-nous dans cette baie, Monsieur[1] ?

L’étranger, qui semblait attendre cette question, y répondit sans hésiter.

— Des eaux d’où l’on peut sortir en sûreté quand on y est entré avec confiance.

— Vous êtes l’homme que je cherche, s’écria Barnstable. Êtes-vous prêt à partir ?

— Prêt et disposé, répondit le pilote, et il n’y a pas de temps à perdre. Je donnerais les cent meilleures guinées d’Angleterre pour avoir deux heures de plus de ce soleil qui vient de nous quitter, ou même une heure du crépuscule qui dure encore.

— Croyez-vous donc notre situation si mauvaise ? En ce cas, suivez monsieur, il vous conduira à la barque, et je vais vous y rejoindre à l’instant. Je crois pouvoir ajouter un homme à l’équipage.

— Ce qui est précieux en ce moment, dit le pilote en fronçant les sourcils d’un air d’impatience, ce n’est pas le nombre des hommes de l’équipage, c’est le temps ; et quiconque nous en fera perdre sera responsable des conséquences.

  1. C’est une phrase empruntée au langage naval, et qui répond à cette question : quelle est la profondeur de cette baie ?