Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/251

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duire une sorte de grimace qui annonçait le mépris et l’ironie. Dans le même instant Borroughcliffe sentit les doigts de fer qui tenaient encore le collet de son habit lui entourer le cou ; son corps attiré par un bras vigoureux se rapprocha insensiblement de celui du contre-maître ; et lorsque leurs têtes furent à six pouces l’une de l’autre, Coffin exhala tout son ressentiment en ces termes :

— Un étranger vaut mieux qu’un ennemi ; un camarade vaut mieux qu’un étranger ; un étranger vaut mieux qu’un chien, mais un chien vaut mieux qu’un soldat.

En parlant ainsi, son bras nerveux secouait le capitaine à demi étouffé, et en finissant il le repoussa loin de lui avec une telle force que Borroughcliffe alla tomber à l’autre bout de la chambre, après avoir renversé en route une table et deux ou trois chaises. Quand il fut sorti de l’espèce de stupeur dans laquelle l’avait jeté cet acte de violence inattendu, Borroughcliffe se releva, et tira son épée.

— Comment ? drôle ! s’écria-t-il, il faut donc t’apprendre à vivre ?

Dès que le contre-maître vit la main du capitaine se poser sur la garde de son épée, il saisit son harpon, qui était appuyé derrière lui contre la muraille, et en dirigea la pointe contre la poitrine de son adversaire d’un air qui lui annonçait le danger qu’il courait s’il avançait d’un seul pas.

Le courage ne manquait pas à Borroughcliffe, et, piqué au vif par l’insulte qu’il avait reçue, il fit une tentative désespérée pour écarter avec son épée l’arme redoutable de son ennemi ; mais un seul tour de poignet de Tom Coffin lui fit sauter l’épée des mains ; et il se trouva désarmé et complètement à la merci du contre-maître. Celui-ci n’abusa pourtant pas de sa victoire ; car abandonnant son harpon, il s’avança vers le capitaine, et le saisit d’une de ses larges mains. Une nouvelle lutte s’ensuivit ; mais elle ne fut pas longue, et Borroughcliffe reconnut bientôt qu’il ne pouvait résister à un homme dont la force était telle qu’il ne semblait pas avoir besoin de plus d’efforts que s’il avait voulu châtier un enfant. L’Américain le saisit de nouveau à la gorge pour prévenir ses cris ; une main lui suffit pour cela, et de l’autre il tira de ses poches des bouts de cordes et de ficelles de toute espèce, dont il paraissait avoir un assortiment complet ; il se mit