Barnstable écouta dans le plus profond silence un récit auquel il ne s’attendait guère, et dont la fin parut à Dillon le son de la cloche qui annonçait ses funérailles. Enfin le lieutenant, se tournant vers son prisonnier, lui dit en serrant les dents :
— Misérable ! si je vous faisais jeter à la mer pour servir de pâture aux poissons, qui pourrait me blâmer ? Mais si mon schooner est coulé à fond, vous n’aurez jamais d’autre cercueil.
CHAPITRE XXIV.
La corde qui entourait le corps de Dillon fut détachée par le contre-maître dès qu’ils furent entrés dans la barque. Son humanité voulait lui laisser pleine liberté de ses membres, s’il arrivait quelque accident imprévu. Appuyant alors sa tête sur ses mains, de manière à se cacher entièrement le visage, le captif se mit à réfléchir sur le passé et sur l’avenir avec cette rage maligne et cette lâche pusillanimité qui formaient les deux principaux traits de son caractère.
Ni Barnstable ni Tom Coffin n’étaient disposés à le troubler dans ses réflexions, car ils étaient tous deux trop occupés de pensées sinistres pour s’en distraire par des paroles inutiles. Quelques mots indistinctement prononcés par le premier, comme s’il eût voulu conjurer l’esprit des tempêtes, tandis qu’il regardait la mer et le firmament dont l’aspect commençait à devenir menaçant, et quelques cris d’encouragement adressés par le second aux rameurs, étaient les seuls sons qui accompagnassent le mugissement des vagues et le sifflement des vents.
Une heure s’était passée ainsi tandis que les marins luttaient vigoureusement contre la force croissante des vagues, lorsqu’ils doublèrent le promontoire septentrional de la baie qu’ils voulaient atteindre, et quittant alors le voisinage bruyant des brisants, ils