Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/290

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Barnstable s’animait en écoutant Merry, et il retrouva, en lui répondant, une partie de son enjouement habituel.

— Oui, sans doute, oui. La délivrance de nos camarades et de nos soldats de marine dépend peut-être de nous ; ce serait une entreprise militaire. Tout le reste ne serait que par forme d’incident, comme la capture d’une flotte après la défaite des vaisseaux qui la convoient.

— Je suppose que, si nous prenons l’abbaye, le colonel Howard se reconnaîtra prisonnier de guerre.

— Sans contredit, de même que ses pupilles. Il y a du bon sens dans votre projet, Merry, et je vais y réfléchir mûrement ; mais parlez à nos marins, encouragez-les, afin de les maintenir en bonnes dispositions pour nous seconder dans notre entreprise.

Ils se rapprochèrent de leurs compagnons, dont ils s’étaient un peu écartés pendant cette conversation. Barnstable leur parla avec un accent de confiance et d’amitié. Après avoir défoncé un des barils de biscuit qui avaient été ramassés sur la côte dans l’étendue de plus d’un mille, le lieutenant donna ordre aux marins de s’armer aussi complètement qu’ils le pourraient, et de se charger de provisions suffisantes pour vingt-quatre heures. Ces ordres furent bientôt exécutés, et la petite troupe, conduite par Barnstable et Merry, se mit en marche le long des rochers pour trouver l’ouverture par où le ruisseau qu’ils avaient vu jetait ses eaux dans la mer. Le mauvais temps et le lieu solitaire et écarté dans lequel ils se trouvaient contribuèrent plus que toute autre chose à les empêcher d’être découverts, car ils marchaient sans autre précaution que celle du silence.

Quand ils furent entrés dans le profond ravin où coulait le ruisseau, Barnstable fit faire halte, et monta jusqu’à une certaine hauteur sur le rocher, car il sentait qu’il ne pouvait s’éloigner de la mer sans y jeter un dernier coup d’œil. Tandis qu’il portait avec tristesse ses regards du nord au sud dans toute l’étendue de l’horizon, le jeune midshipman qui l’avait suivi s’écria :

— Une voile ! une voile au large ! il faut que ce soit la frégate !

— Une voile ! où voyez-vous une voile pendant une pareille tempête ? Serait-il possible qu’un autre navire fût aussi malheureux que l’a été le nôtre ?

— Regardez à tribord de cette pointe de rocher sous le vent. Ah ! on ne le voit plus. Tenez, voilà un rayon du soleil qui l’éclaire !