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CHAPITRE XXVI.


Mercure. — Je te promets de redevenir Sosie.
Dryden. Amphitryon.


Nous laisserons nos deux aventuriers cherchant leur chemin à travers les débris de murs, et passant hardiment sous ces voûtes chancelantes, pour conduire le lecteur dans un lieu où l’on se trouvait plus à l’aise, c’est-à-dire dans l’abbaye de Sainte-Ruth.

Nous y avons pourtant laissé le capitaine Borroughcliffe dans une situation qui n’était nullement agréable ; mais comme dans l’intervalle la terre avait presque accompli sa révolution journalière, il était arrivé des circonstances qui avaient amené sa délivrance ; et personne n’aurait pu deviner que l’officier assis à la table hospitalière du colonel Howard, faisant honneur à chaque mets et surtout aux flacons, l’air satisfait et riant, venait de garder dans la bouche, pendant quatre longues heures, le pommeau de sa propre épée.

C’est pourtant un fait constant que le capitaine Borroughcliffe occupait son poste ordinaire à table, et y soutenait même dignement la réputation qu’il avait acquise, avec son sang-froid habituel ; par moments toutefois son sourire annonçait qu’il cherchait à envisager son aventure du côté plaisant.

Dans le jeune homme qui était assis près de lui, couvert de la jaquette bleue d’un simple marin, et dont le collet d’une chemise fine et blanche contrastait fortement avec le mouchoir de soie noire noué négligemment autour de son cou, et dont l’air d’aisance et les manières distinguées formaient un contraste encore plus frappant avec son costume, le lecteur ne peut manquer de reconnaître Griffith. Il s’occupait beaucoup moins des mets placés sur la table que de sa voisine ; il affectait pourtant de donner au repas plus d’attention qu’il n’avait coutume de le faire, parce qu’une voix intérieure l’avertissait qu’il diminuait ainsi l’em-