Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/328

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retenu par la présence de trois femmes effrayées, je serais tenté de discuter sur-le-champ, à la pointe de nos piques, le titre de Sa Majesté. Vous pouvez faire telle convention qu’il vous plaira avec M. Griffith ; mais si elle contient une syllabe de soumission à votre roi, un seul mot qui déroge à la fidélité que je dois au congrès des États-Unis et à l’État de Massachusetts, vous pouvez la considérer d’avance comme violée, car je ne la regarderai comme obligatoire ni pour moi, ni pour aucun de ceux qui voudront me reconnaître comme chef.

— Il n’y a ici que deux chefs, monsieur Barnstable, dit Griffith avec hauteur ; un pour l’Amérique, un autre pour l’Angleterre. Je suis un de ces chefs, et je m’adresse à vous, capitaine Borroughcliffe, comme étant l’autre. Les grands objets de la querelle qui divise malheureusement l’Angleterre et ses anciennes colonies ne peuvent être nullement affectés par les événements de cette nuit ; et si nous tenions trop strictement aux idées militaires, la lutte qui aurait lieu dans un pareil local pourrait être suivie de grands malheurs particuliers, de cruelles calamités domestiques. Vous et moi, Monsieur, nous n’avons qu’un mot à dire, et ces hommes qui tiennent en main avec impatience ces instruments de mort, vont s’attaquer les uns les autres avec acharnement ; et qui peut dire qu’il sera en état de retenir leurs mains, quand le premier coup aura été porté ? Vous êtes militaire, et je n’ai pas besoin de vous apprendre qu’il est plus facile d’exciter le courage que d’arrêter la vengeance.

Borroughcliffe, peu habitué à se laisser subjuguer par des émotions profondes, et certain d’ailleurs de la supériorité de son détachement, tant par le nombre que par la nature des armes, l’écouta avec calme sans l’interrompre, et lui répondit ensuite avec son sang-froid ordinaire :

— Je rends justice à votre logique, Monsieur. Vos prémisses sont incontestables, et votre conclusion infiniment juste. Confiez donc vos dignes marins aux soins de l’honnête Drill, qui satisfera à toutes les demandes de leurs estomacs affamés en leur procurant des vivres, sans oublier quelque liquide convenable, et nous discuterons ensuite de quelle manière vous retournerez dans vos colonies, autour de quelques flacons d’une excellente liqueur que mon ami Manuel, que voilà, dit être venue du côté du midi de l’île de Madère pour se faire boire dans un coin du nord de l’île