Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/339

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s’émouvoir, et paraissant sortir d’une rêverie ; je vous ai donné mes ordres, qu’ils soient exécutés sur-le-champ.

— J’ai aussi à exécuter les ordres du capitaine Munson, monsieur Griffith, de notre officier supérieur à tous deux ; et je vous assure qu’en me donnant mes instructions pour l’Ariel… Pauvre Ariel ! il n’en reste pas deux planches qui tiennent ensemble ! Je vous dis, Monsieur, que mes instructions sont très-précises sur ce point.

— Eh bien ! Monsieur, mes ordres les révoquent.

— Mais comment pourrai-je me justifier d’obéir à l’ordre verbal d’un officier inférieur, quand il est en opposition formelle avec les instructions écrites de mon commandant ?

Griffith n’avait pris jusqu’alors que le ton froid et ferme d’un officier qui veut être obéi ; mais en ce moment le sang-lui monta au visage, et il s’écria d’un ton d’autorité et les yeux étincelants :

— Comment ! Monsieur, hésitez-vous à m’obéir ?

— De par le ciel ! Monsieur, je résisterais aux ordres du congrès même, s’il m’ordonnait d’oublier mon devoir envers… envers…

— Dites envers vous-même, monsieur Barnstable ; mais que ce mot soit le dernier. Allez à votre devoir, Monsieur.

— Mon devoir est d’être ici, monsieur Griffith.

— Il faut donc que j’agisse, ou que je me laisse braver par mes propres officiers ! Monsieur Merry, allez dire au capitaine Manuel d’envoyer ici un sergent et quatre fusiliers.

— Dites-lui de venir lui-même ! s’écria Barnstable poussé au désespoir par la contrariété qu’il éprouvait ; son corps tout entier ne viendrait pas à bout de me désarmer. — À moi, les Ariels ! à moi, mes braves ! Rangez-vous autour de votre capitaine !

— Le premier d’entre eux qui passera cette porte sans mon ordre périra de ma main ! s’écria Griffith en se précipitent l’épée nue au-devant des marins qui accouraient à la voix de leur commandant, mais qui s’arrêtèrent en reconnaissant celle de leur officier supérieur. Rendez-moi votre épée, monsieur Barnstable, et épargnez-vous le désagrément de vous la voir enlever par un simple soldat.

— Je voudrais voir l’insolent qui oserait l’essayer ! s’écria Barnstable en tirant son épée et en la brandissant en l’air. Griffith, dans l’ardeur qui le transportait lux-même, avait sans y