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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/112

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— Je le reconnais, Monsieur, ce sont des honoraires très-respectables ; vous, vous devez en avoir mille, Esquire.

— Je n’ai pas reçu une obole, ni n’ai l’intention de rien toucher de son argent. Mes sentiments sont engagés dans ce procès, et je consens à travailler pour rien.

Timms jeta sur son vieux maître un regard rapide, mais scrutateur. Dunscomb, sous tous les rapports, était jeune pour son, âge ; et plus d’un homme a aimé, s’est marié, est devenu père d’une florissante famille, après avoir vu tous les jours qu’il avait vus. Ce regard tendait à découvrir s’il était possible que l’oncle et le neveu devinssent rivaux, et à en savoir autant qu’on pouvait le saisir et le deviner dans un rapide coup d’œil. Mais le conseiller était aussi calme que d’habitude ; nulle altération de couleur, nul signe, nulle vivacité d’expression ne trahirent l’existence de la passion. On racontait parmi les intimes du vieux garçon, qu’autrefois, à l’âge d’environ vingt-cinq ans, il avait eu une affaire de cœur, qui avait fait sur lui une si profonde impression, que le mariage de la jeune femme avec un autre homme ne l’avait pas effacée. Ce mariage, disait-on, n’avait pas été heureux, et fut remplacé par un autre, qui le fut encore moins, quoique les parties fussent riches, bien élevées, et disposassent de toutes les ressources qu’on suppose d’ordinaire devoir procurer le bonheur. Une seule enfant fut le fruit du premier mariage, et sa naissance précéda de peu la séparation qui suivit. Trois années après mourut le père, laissant toute son immense fortune à cette enfant, avec l’étrange prière que Dunscomb, jadis le fiancé de la mère, fût le tuteur et le gardien de la fille. Cette singulière demande ne fut pas accueillie, et Dunscomb n’avait vu aucune des parties depuis sa rupture avec sa bien-aimée. L’héritière se maria jeune, mourut dans l’année en laissant une autre héritière ; mais nulle allusion ne fut faite à notre conseiller dans aucune des volontés et des dispositions testamentaires. Une seule fois il avait été consulté comme homme du métier, sur les legs en faveur de la petite fille Mildred Millington, cousine au second degré de Michel Millington, et aussi riche qu’il était pauvre. Pendant quelques années on s’attendait vaguement à