Jack regarda Michel, et Michel regarda Jack, tandis que Sarah les regardait tous deux alternativement.
— Vous ne nierez pas, Monsieur, que le jury soit un des plus précieux bienfaits que nous aient légué nos ancêtres ? dit Jack d’un ton légèrement dogmatique, tandis que Sarah s’applaudissait de cette question, dans la pensée que son frère venait de se placer sur un terrain solide.
— Jack, je ne puis répondre à votre question tout d’une haleine, reprit l’oncle. Le jugement par jury fut sans contredit le plus précieux don octroyé à un peuple chez qui existait le gouvernement d’un pouvoir héréditaire ; pour en corriger les abus, c’était la plus salutaire garantie.
— Eh bien, Monsieur, n’y a-t-il pas ici la même garantie, assurant aux citoyens une justice indépendante ?
— Qui compose le pouvoir gouvernemental en Amérique, Jack ?
— Le peuple, à coup sûr, Monsieur !
Et les jurés ?
— Le peuple aussi, j’imagine ? reprit le neveu, hésitant un peu avant de répondre.
— Eh bien ! supposons maintenant qu’un citoyen ait un conflit de droits avec le public, qui est le gouvernement ; qui composera le tribunal appelé à décider la question ?
— Un jury, assurément, Monsieur. Le jugement par jury nous est garanti à tous par la Constitution.
— Sans doute, fit M. Dunscomb en souriant, à peu près autant que le sont nos libertés religieuses et politiques. Mais, selon ce que vous admettez vous-même, c’est précisément faire une des parties juge dans sa propre cause. A, par exemple, affirme qu’il a droit à certaines terres que le public réclame. Dans un cas pareil, une partie du public forme le tribunal.
— Mais n’est-il pas vrai, monsieur Dunscomb, insinua Millington, que le préjugé populaire est habituellement contre le gouvernement, dans tous ses procès avec des particuliers ?
— Certainement, c’est vrai dans certains genres de procès, mais faux dans les autres. Dans une ville commerçante comme