Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais ces mots ne peuvent s’appliquer à rien de ce qui existe à New-York.

— Vous croyez cela ! Que diriez-vous d’un état de société dans lequel la loi ne s’applique à une classe de citoyens que comme contrainte, et jamais comme protection ?

— Je ne vous comprends pas, Monsieur nous nous vantons au contraire ici que la protection de la loi est égale pour tous.

— Sans doute, s’il s’agit de se vanter, nous sommes toujours forts. Mais attachons-nous aux faits. Voici un homme qui doit de l’argent. On fait appel à la loi pour le contraindre au paiement. Le verdict est rendu, un commandement est signifié. Le shériff pénètre dans sa maison et vend son mobilier pour lui arracher le montant de la dette.

— C’est sans doute un malheur pour lui, Monsieur, mais ces choses arrivent à tous les débiteurs qui ne peuvent ou ne veulent pas payer.

— Si tel était le cas, je n’aurais rien à dire. Mais supposez que ce même débiteur soit aussi créancier, et qu’il lui soit dû des sommes de beaucoup supérieures à ce qu’il doit, mais pour la rentrée desquelles la loi ne veut pas l’aider. Pour lui assurément, la loi est toute oppressive et nullement protectrice.

— Mais sûrement, oncle Tom, rien de pareil n’existe ici.

— Sûrement, miss Sarah Wilmeter, des choses pareilles existent ici en pratique, quelles que soient les théories sur ce sujet. Différents propriétaires ont tout récemment ressenti toutes les rigueurs de la loi comme débiteurs, tandis qu’elle est une lettre morte pour eux dans leur caractère de créanciers. Un citoyen voit vendre ses meubles et sa maison pour ce qu’il doit, et quand il demande lui-même appui à la loi, comme créancier de ses locataires, on le lui refuse. Et tout cela vient de ce que l’on courtise la multitude, et que chaque juge, chaque législateur ne songe qu’à s’assurer des votes. N’est-ce pas là une cruelle oppression, une oppression de la pire espèce, où le petit nombre est opprimé par le grand ? C’est ce qui a donné naissance à cette funeste doctrine de l’antirentisme ; c’est ce qui a encouragé tous les excès des anti-rentiers.

La longue tirade de M. Dunscomb fut interrompue par la