Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/161

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— Je le savais et j’aurai assez de franchise pour vous avouer que Timms pense de même. Il me l’a donné à entendre ; mais la chose est impossible. Vous n’avez qu’à la regarder pour voir que la chose est impossible.

Anna Updyke crut possible toute supposition analogue, au sujet d’une femme qui se trouvait dans les circonstances de l’accusée ; elle se garda bien néanmoins de le dire, dans la crainte de blesser les sentiments de John, sentiments qu’elle respectait de toute la tendresse d’une vive affection, et avec l’abnégation d’une femme. Si les rôles avaient été intervertis, il n’est nullement probable que son ardent compagnon eût montré la même retenue à son égard. John aurait disputé la victoire, et aurait pressé son adversaire de toutes les preuves, faits et raisons qu’il aurait pu rassembler en pareille occasion. Il n’en fut pas ainsi de la tendre et pensive jeune femme, qui se promenait en ce moment à son côté, calme et même un peu triste, animée qu’elle était de toute la douceur, de l’abnégation, et de la vive affection de son sexe.

— Non, c’est pire qu’une absurdité, reprit John ; il y a de la cruauté à penser cela de miss Monson. — À propos, Anna, savez-vous qu’il est arrivé une singulière chose le soir qui précéda mon retour à la ville, pour assister à la noce ? — Vous connaissez Marie Mill ?

— Certainement, Marie Moulin, vous voulez dire.

— Eh bien, en répondant à une question de sa maîtresse, elle lui dit en français : Oui, Madame.

— Qu’auriez-vous désiré qu’elle dît ? Non, madame ?

— Mais pourquoi Madame ? Pourquoi pas, Mademoiselle ?

— Ce serait très-vulgaire en anglais de dire : Oui, Miss.

— Ce le serait à coup sûr, mais c’est très-différent en français. Dans cette langue on peut dire, on doit direMademoiselle à une jeune femme non mariée, quoiqu’il soit vulgaire, en anglais, de dire miss, sans y ajouter le nom. Le français, voyez-vous, Anna, est une langue beaucoup plus précise que la nôtre ; et ceux qui la parlent ne prennent pas les mêmes libertés que nous autres pour l’anglais. Madame suppose toujours une femme mariée,