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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/204

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Dunscomb rendit justice à la moralité de son ami en racontant comment les choses s’étaient réellement passées ; après quoi il demanda la permission de lui présenter Anna Updyke. Marie Monson sembla s’effrayer de cette demande, et posa plusieurs questions qui firent soupçonner à son conseil qu’elle craignait d’être reconnue. Dunscomb n’aima pas tous les détours employés par sa cliente dans le but de tirer de lui des renseignements. Il crut y remarquer une sorte de tactique qui ne lui plaisait pas. Consacrant tous les efforts d’un talent sincère à éclairer un principe et à soutenir une proposition, il avait toujours évité de recourir aux sophismes et aux mensonges. Cette faiblesse de la part de Marie Monson fut, toutefois, bien vite oubliée par la manière gracieuse avec laquelle elle acquiesça au désir de l’étrangère d’être admise près d’elle. La permission fut finalement accordée, comme si cette réception était un honneur, et cela avec le tact, l’aisance et la dignité d’une femme du monde.

Anna Updyke avait un caractère ardent qui, plus d’une fois, avait mis mal à l’aise la prudence et la perspicacité de sa mère, et lui avait fait commettre des actes, innocents en eux-mêmes, et ne s’écartant en rien des principes, mais que le monde aurait été porté à regarder comme imprudents. Cependant sa modestie et sa défiance d’elle-même lui suffisaient amplement pour la mettre à l’abri des observations du vulgaire, même alors que sa faiblesse avait sur elle le plus d’empire. Son amour pour John Wilmeter était si désintéressé, à ce qu’elle croyait, qu’elle s’imaginait pouvoir contribuer même à son union avec une autre, si c’était nécessaire à son bonheur. Elle crut que cette mystérieuse étrangère était au moins pour John un objet du plus profond intérêt, qu’elle ne tarda pas à partager elle-même ; chaque heure augmentait son désir de faire connaissance avec une femme placée dans une telle situation, sans amis, accusée, et, selon les apparences, suspendue par un fil au-dessus de l’abîme. Quand elle proposa d’abord à Dunscomb de lui permettre de visiter sa cliente, le conseiller, sage et plein d’expérience, s’opposa fortement à cette démarche ; elle était, selon lui, imprudente, ne conduisant à rien de bon, et pouvant laisser une impression défavorable sur la propre