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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/228

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Le fait est qu’il avait moins peur de Timms que de Williams, les rapports de ce dernier avec les journalistes étant connus pour être plus étendus. Il y a peu d’années encore, cette verte réprimande aurait jeté sur l’avocat beaucoup de défaveur ; mais aujourd’hui la liberté devient de plus en plus personnelle, et l’ancien respect de la loi est remplacé par les passions et les intérêts de chacun. Timms le comprit parfaitement ; il comprit aussi que le juge serait dans peu candidat, et il voulut, comme Williams, tirer parti de cette circonstance :

— Vous avez raison, Excellence, reprit-il sans se déconcerter, je sais parfaitement que tout cela est illégal et inconvenant ; j’avais précisément cette pensée quand l’avocat de la partie adverse demandait au détriment de ma cliente la mise en accusation immédiate, demande qui a été tolérée et presque encouragée.

— La cour a fait de son mieux pour arrêter M. Williams, Monsieur, elle doit faire de même pour vous contenir dans les limites de vos droits. Si l’on ne coupe court à ces inconvenances, je bornerai la poursuite à l’officier régulier de l’État, et j’assignerai au nom de la cour un nouveau conseil à l’accusée.

Williams et Timms s’amusèrent de cette menace, bien convaincus tous deux qu’il n’oserait la mettre à exécution. La résolution de la cour, après un échange d’explications, fut qu’on ajournerait la cause jusqu’à l’arrivée de l’avocat principal. Depuis le commencement de la discussion, Williams savait bien que telle serait l’issue des débats de ce jour ; mais il avait obtenu par sa motion deux points importants : d’abord, en accordant un délai à l’accusée, l’accusation se trouvait placée sur le même terrain, c’est-à-dire qu’elle avait le droit de demander une faveur semblable s’il en était besoin ; en second lieu, Williams put mettre en jeu sur-le-champ tous les ressorts de ses machinations au dehors ; ses agens circulèrent parmi les jurés, les témoins se donnant comme parfaitement renseignés sur tous les détails de cette mystérieuse affaire. Toutes ces manœuvres ne se pratiquaient pas à découvert, comme le lecteur peut bien le comprendre ; on se gardait d’alarmer la conscience ou la vanité de ceux qu’on voulait duper ; mais on organisa un système complet d’insinuations,