et sa conduite pouvait bien avoir provoqué le ressentiment du marchand. Mais comme un état d’hostilité avec le conseil n’est pas une objection légale à la réception d’un juré, Williams se trouvait dans la nécessité d’en présenter qui fussent de nature à appeler l’attention de la Cour.
— Je demande que le juré s’engage par serment à me répondre franchement, dit Williams.
Timms dressa les oreilles ; car s’il était important pour Williams de s’opposer la réception de cet individu, il était probablement important pour Marie Monson de le faire recevoir. D’après ce principe, il s’apprêta à résister à l’attaque intentée au juré, qui venait de prêter serment.
— Vous avez votre résidence dans la ville voisine de Blackstone, je crois, monsieur Hatfield ? demanda Williams.
Un simple signe d’assentiment fut la réponse.
— Vous exercez là une profession libérale ?
Hatfield était certain que son questionneur savait à quoi s’en tenir, car Williams avait été cinquante fois dans son magasin ; mais il répondit aussi ingénument que la question était posée :
— Je suis dans le commerce.
— Dans le commerce ! Vous tenez boutique, j’imagine, monsieur Hatfield.
— C’est vrai, j’en tiens une dans laquelle je vous ai vendu cent fois.
Un rire général succéda à cette saillie, et Timms regarda autour de l’auditoire, le nez au vent, comme pour flairer son gibier.
— C’est possible ; je paie quand j’achète, répliqua Williams, et ma mémoire n’est pas chargée de transactions de cette nature.
— Monsieur Williams, interrompit le juge avec un peu d’impatience, le temps de la Cour est très-précieux.
— Comme l’est pour l’État la dignité des lois outragées, Excellence. Nous aurons bientôt fini, Monsieur. Beaucoup de personnes ont l’habitude de fréquenter votre magasin, monsieur Hatfield ?
— Autant qu’on en voit d’ordinaire à la campagne.
— Six ou quinze à la fois, dans certaines occasions ?