juré ; tous deux eurent un air surpris, et ne surent trop comment agir. Les récusations péremptoires n’étaient pas épuisées ; il y avait chez les deux avocats une impulsion commune qui les poussait d’abord à accepter un homme d’un extérieur, d’un maintien, et d’un air en général si respectable ; puis, par une soudaine révolution de sentiment, à rejeter un homme qu’ils ne connaissaient pas.
— Je suppose que les sommations sont toutes en règle, dit Williams avec indifférence. Le juré a sa résidence dans le comté de Dukes ?
— Oui, répondit-on.
— Franc tenancier, je suppose ?
Un sourire quelque peu hautain passa sur la physionomie du juré, et il se retourna avec un certain air de mépris pour regarder la personne qui se permettait une semblable remarque.
— Je suis le docteur Robinson, dit-il, appuyant avec emphase sur la savante dénomination.
Williams fut déconcerté, car, à dire vrai, il n’avait jamais entendu parler d’un tel médecin dans le pays. Timms ne fut pas moins intrigué quand un membre du barreau murmura à l’oreille de Dunscomb que le juré était un fameux charlatan, qui faisait des pilules souveraines pour toutes les maladies, et qui ayant fait fortune, s’était fixé dans le comté, avec tous les droits de citoyen.
— Le juré peut se retirer, dit Dunscomb se levant avec dignité. S’il plaît à la Cour, nous le récusons péremptoirement.
Timms parut encore plus surpris, et quand son associé lui eut exposé le motif de sa récusation, il fut contrarié.
— Cet homme est un charlatan, dit Dunscomb, et il y a assez de charlatanisme dans ce système de jurés, sans appeler en aide des praticiens encore plus madrés.
— J’ai bien peur, Esquire, que ce ne soit précisément l’un des hommes dont nous ayons besoin. Je puis travailler sur de tels esprits, quand j’échoue tout à fait avec des hommes positifs. Un peu de charlatanisme ne nuit pas à certaines causes.
— Ira Kingsland, cria le greffier.