Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mystères de la pensée, et dont les opinions dépendaient du caprice des autres ; hommes inhabiles parce qu’ils étaient sans expérience pour accomplir ce devoir solennel et important que la loi leur imposait en ce moment ; hommes en qui on pouvait se confier, tant qu’ils s’attachaient à la loi et à la raison, mais qui devenaient terribles et dangereux dès qu’ils prêtaient l’oreille, comme c’était souvent le cas, aux suggestions de leurs propres impulsions, à celles de l’ignorance et des préjugés. Et pourtant ces hommes, c’étaient les pairs de Marie Monson aux yeux de la loi ; ils avaient été considérés comme tels et acceptés dans une affaire où il fallait tenir compte des sentiments et des usages des castes sociales, choses auxquelles ils ne comprenaient rien, ou, ce qui est pis que rien, très-peu, et cela à travers de fausses données et des conclusions erronées.

C’est la mode d’exalter l’institution du jury. Notre propre expérience, qui n’est rien moins que frivole, comme étant celle d’un chef de jurés, d’un plaideur, et d’un spectateur désintéressé, ne nous permet pas de nous ranger à cette opinion. Un exposé de la conduite corrompue, partiale, pleine d’erreurs et de préjugés, ignorante enfin, dont nous avons été nous-mêmes témoin dans ces corps, formerait à elle seule une histoire complète. Le pouvoir, qui égare ces hommes, est un pouvoir inconnu à eux-mêmes, la moitié du temps, et il n’en est que plus dangereux. Les sentiments de voisinage, d’hostilité politique, d’animosités de parti, sont au nombre des vices les plus communs que la justice trouve à combattre, lorsqu’ils sont mis en contact avec des tribunaux ainsi composés. Puis viennent les sentiments engendrés par les castes sociales, source inépuisable de passions mauvaises. On avait prévenu Marie Monson des dangers qu’elle courait de ce côté ; bien qu’on lui eût dit aussi, et avec grande vérité, qu’il restait encore assez de l’esprit de Dieu dans le cœur de l’homme, pour qu’il se trouvât, parmi ceux qui allaient être les arbitres de son sort, une majorité consciencieuse et attentive dans une cause capitale. Peut-être est-il permis d’établir en règle, que la singularité de cette situation, pour un homme qui pour la première fois s’assied comme juré dans un jugement où une vie humaine