Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 30, 1854.djvu/87

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ses yeux étaient d’une expression douce et tendre ; quand ils étaient animés, ils pénétraient au fond de l’âme. Sa tournure était irréprochable ; elle tenait le milieu entre une santé vigoureuse et une délicatesse féminine, ce qui dans ce pays implique moins de force et de vigueur que dans l’autre hémisphère. Il n’est pas facile de dire comment nous acquérons ces habitudes intimes qui deviennent pour nous une sorte de seconde nature, et nous donnent presque de nouveaux instincts. C’est par ces secrètes sympathies, par ces goûts qui envahissent le système moral comme les nerfs forment un télégraphe dans le système physique, qu’on sent plutôt qu’on ne voit quand on est en compagnie de personnes de sa condition. John Wilmeter, fréquentant toujours la meilleure société de son pays et ayant aussi beaucoup voyagé, avait acquis cette espèce de seconde vue. Bien que son âge et les projets de son oncle pour son bien-être à venir, l’eussent empêché de rester assez longtemps en Europe pour ressentir tout le bienfait qu’un tel voyage peut donner, il y avait séjourné suffisamment pour pousser ses études au delà des choses purement matérielles. Il avait fait sous d’autres rapports certains progrès plus essentiels au point de vue du goût, sinon du caractère. Quand un Américain, au retour d’une excursion dans le vieux monde, dit : Je reviens plus satisfait que jamais de mon pays, — c’est un signe infaillible qu’il n’est pas resté assez longtemps à l’étranger, tout au contraire, quand il ne trouva que des imperfections, c’est une preuve qu’il y a séjourné trop longtemps. Il est un heureux milieu qui nous apprend un fait plus approchant de la vérité, c’est qu’il y a mille choses à modifier et à perfectionner chez nous, tandis que souvent il en est presque autant que peuvent nous envier les peuples les plus anciens et les plus policés de la terre. John Wilmeter n’en était pas venu au point de faire les plus fines distinctions, mais il était assez avancé pour reconnaître à des signes certains que cette jeune et étonnante créature, inconnue de tous, mal secourue de ceux qui semblaient s’intéresser à elle, à l’exception de lui-même et de connaissances accidentelles formées dans les plus tristes circonstances, pour reconnaître, dis-je, que cette jeune femme avait été en pays