Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/116

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qui vous cause tant d’alarmes n’est autre que celle de la lune qui se lève à l’instant même du sein de la mer.

— Ma foi, j’avais donc tort, reprit son brutal assaillant ; de par le ciel, j’aurais juré dans le premier moment que c’était le faual !

— Il faut alors que vous ajoutiez foi aux traditions de sortilèges répandues dans le pays ; car, à moins d’être un grand nécromancien, il serait assez difficile de l’allumer de la distance où j’en suis.

— Je n’en sais ma foi rien : c’est un peuple si étrange que celui parmi lequel nous vivons ! Il n’y a pas longtemps encore qu’ils ont trouvé moyen de nous dérober des canons jusque dans notre parc d’artillerie, chose que j’aurais jurée impossible. C’était avant votre arrivée, Monsieur, car je crois maintenant que c’est au major Lincoln, du 47e, que j’ai l’bouneur de parler.

— Vous êtes cette fois plus près de la vérité que vous ne l’étiez dans vos premières conjectures sur mes intentions, dit Lionel en souriant ; servez-vous aussi dans le 47e ?

Le militaire lui répondit qu’il était sous-officier dans un autre régiment, mais qu’il connaissait très-bien de vue M. le major. Il ajouta qu’il avait été mis en faction sur la colline pour empêcher aucun des habitants d’allumer le fanal, ou de faire tout autre signal qui pourrait donner connaissance aux paysans des environs de l’invasion projetée.

— Cette affaire prend un aspect plus sérieux que je ne l’avais cru, reprit Lionel lorsque le jeune militaire ent fini ses excuses et son explication ; le commandant en chef doit avoir des projets que nous ne connaissons point, pour employer ainsi des officiers à des factions qui ne sont jamais faites que par de simples soldats.

— Nous autres pauvres subalternes, nous ne savons que peu de choses, et nous ne nous inquiétons guère de ses projets, dit l’enseigne. J’avouerai cependant que je ne vois pas pourquoi des troupes anglaises feraient tant de façons pour marcher contre une poignée de paysans balourds, qui s’enfuiraient à la seule vue de nos uniformes, si, au lieu de les attaquer au milieu des ténèbres, nous allions droit à eux en plein jour. Si j’étais le maître, je voudrais que ce fanal qui est au-dessus de nous répandît une telle clarté, que tous les héros du Connecticut accourussent ici au secours de leurs compatriotes ; les pauvres diables baisseraient bien vite l’oreille devant deux de nos compagnies de grenadiers.